Le jour ou j'ai parlé à Charles Bukowski.

Olivier Sun7

Le jour ou j’ai parlé à Charles. Bukowski.

Il est plus de vingt-deux heures lorsque je pénètre dans ce bar de la rue Montorgueil. M’installant au zinc, je commande un demi. Une fois servie j’observe la clientèle, des gens de toutes sortes pour la même sortie. De joyeux drills pour la plupart, plus quelques névrosés venus ici noyer leurs chagrins d’un amour envolé ou je ne sais quoi d’autre qui les rend gris comme un temps de pluie, sale comme une rue vidée de son eau boueuse après que la digue a cédé. Je n’ai ni envie de me joindre aux fêtards et ne partage pas non plus le vague à l’âme des autres. Non, je suis ici pour l’inspiration, l’expiration de ma plume, et reprendre la respiration avant de replonger dans mon écriture, mon monde et ma liberté. Ma bière fraîche coule lentement en moi entraînant mes dernières accroches de mes lignes noires. Je ne veux rien, ne désire pas non plus parler, juste que l’on me foute la paix ou que l’on me change les idées mais là, l’exercice se veut périlleux…

Reposant mon verre, je tourne la tête vers le bout du comptoir, un type s’y trouve, seul et triste… Non, pas triste à bien le regarder, perdu dans l’alcool, sûrement, mais suffisamment conscient pour être du même manège que le mien. Il observe lui aussi, il boit et observe d’un regard suffisant pour s’apercevoir que rien ici ni personne ne pourra amener le piment nécessaire à lui faire relever, par un rapport dit humain, sa propre existence bien épicée.

Puis ce qui devait arriver arriva, nos regards se croisent rapidement mais suffisamment pour le reconnaître… ‘Ce qui devait arriver arriva’… Bah non justement cela n’aurait pas pu se passer si j’avais seulement essayé de l’imaginer… Et pourtant il était là cet enculé ! De son mètre quatre-vingt-dix, debout sur ses deux fabuleuses guiboles que je ne voyais pas… Encore. Je lève mon verre et le salut, il me répond par un doigt se dépliant du bout de son bras accoudé, véritable béquille de guerre, pour se tendre vers le plafond. Posant mon verre sans le lâcher des yeux, le sourire en coin s’esquissant, je lui réponds d’un joli rond formé de mes doigts repliés sur mon pouce tout en faisant un léger mais perceptible va-et-vient. Il sourit à son tour, puis reporte tout son intérêt sur son verre. Il va falloir parler anglais …. 

Je me lève et le rejoints, emportant mon verre pour me caler à côté de lui sans omettre de le bousculer juste ce qu’il faut pour amortir les frais de mon déplacement et lui mettre ma gueule face à la sienne…

-       J’étais sure que tu ne puais pas Bukowski mais t’es quand même un sacré dégueulasse…

-       T’as mis une jupe pour venir me voir enculé ? me dit-il.

-       Non j’aurai trop peur que tu m’écrives un poème …

-       Connard… Présente toi …Puisque tu m’as reconnu

-       Edvii… Un fils de pute aussi … Avec un stylo également…

-       Et sans stylo ?

-       Un fils de pute sûrement…

-       Alors prends un verre.

Les présentations étaient faites. Je finis d’un trait mon demi pour en reprendre un autre.

-       Français ? me demande-t’il.

-       Ouai... c’est ce que l’on m’a dit

-       Alors on t’a menti

-       On t’a bien dit plus d’une fois que t’étais un sale connard, ce qui est vrai… Alors je  préfère croire que je suis français également.

-       Parles pas aux connards tu risquerais de les destituer de leurs fonctions.

-       Ce soir, c’est pas au connard que je m’adresse mais à l’un des rares gars qui connaît peut-être les femmes... même si de ce que je t’ai lu, tu ne dois pas bien savoir les baiser.

-       Écoute petit…Est-ce l’important…Le principal est de baiser non ?

-       Moi si j’aimais boire je ne me contenterais pas de tenir mon verre à deux doigts … Je serai plutôt du genre à sucer le goulot…

-       Ok… Et donc que veux-tu savoir des femmes si tu les baises si bien ? Me dit-il.

-       Rien …On partage sûrement les mêmes avis…Le même respect…

-       T’as peut-être une gueule à les connaître, mais t’en a pas l’age.

-       Sûrement… Tu vois la rousse là-bas ?

-       Elle n’est pas rousse…

-       Ouai trop bronzé.

-       Trop fade pour une vraie rousse.

-       Fade ? regarde là c’est une vraie chienne ! Lui dis-je.

-       Elle aime le cul…Ouai mais elle est fade de l’intérieur…Pas une vraie rousse j’te dis.

-       T’es vraiment un porc Buko, on est a peine devant que t’es déjà à l’intérieur…

Il se marre, me regarde et me tend son verre, je trinque avec lui, je trinque avec Monsieur Charles Bukowski, le plus enculé des écrivains, un critique en femme hors pair…

-       C’est quoi ton nom déjà ?

-       Edvii. (J’écris sous le pseudo d’Edvii aussi.)

-       C’est un nom de pédé ça !?

-       Ouai… Mais quand tu le dis ça à l’avantage de glisser… Ça se dégueule pas comme le tien quoi…Remarque pour un mec qui gerbe dix fois par jour ça te va bien.

-       Et toi tu t’es fait mettre combien de fois depuis ce matin ?

-       Je ne me suis pas fait prendre depuis que ton père est mort.

-       Fais gaffe moi aussi on m’a dit mort…Pourtant je suis toujours là.

-       Alors la rousse ? … D’ici t’en dis quoi ?…

-       J’en dis rien …Elle n’est pas rousse…

-       Ok mais à la voir bouger comme ça … Moi je vais te dire, c’est une pauvre nana qui verse dans l’écologie et les valeurs à la baisse pour mieux pouvoir se fuir… Pour la choper, suffit de l’ignorer un moment…Court le moment sinon elle se barre…Puis tu t’intéresses à elle vite fait avant de la ruiner verbalement…Là elle ne te lâche plus… Elle ira jusqu’au bout pour te montrer à quel point tu te trompes et finira par devenir en dix minutes ce que tu veux qu’elle soit uniquement dans le but de s’accorder dans tes yeux une petite valeur… Elle baisera comme une chienne pour finir par partir en pleurant, en s’en voulant de s’être fait ainsi abuser…Elle finira sa course dans les bras d’un connard qui prendra  sa détresse comme un terrain favorable et jouera ainsi le mâle protecteur… Elle le quittera vite fait car il est en fait trop gentil …Ouai ça n’aime pas les salauds, mais ça fuit les gentils ça !

-       Je pense que c’est une brune…

-       Et donc ?

-       Les brunes, j’aime bien… C’est fort de l’extérieur et tendre à l’intérieur… Le contraire des blondes…

-        Pas faux…

-       Appelle-là …

-       Elle est en main laisse tomber…

-       Appelle-là je te dis !

-       Ok mais je te préviens, je ne la baiserai pas…

Quand Bukowski veut… Moi je veux. Je fais le tour du bar pour traverser cette foule et ramener l’idiote. La voilà face à moi, complètement alcoolisé.

-       Suis-moi s’il te plait, il y a Bukowski qui aimerait te parler.

-       Hank !? que me veut-il ?

-       Si tu le connais tu n’as plus qu’à lui demander à défaut de l’avoir lu…

La fille me suit, je retourne à ma place.

-       Là voilà ! dis-je

-       T’as mis du temps…

-       J’ai pas tes jambes.

La fille s’approche de nous et regardant "Hank" elle dit :

-       Que me veux-tu ?

-       Je te présente mon pote…

-       Ouai et alors ?

-       Il pense que t’es une chienne de rousse…

-       Ah ouai !? et alors…

-       Et alors je me tue à lui dire que t’es une salope de brune…

-       Ok super les gars, bon bah je vous suce tout de suite ou je peux continuer à aller m’amuser un peu ?

-       Fais ce que tu veux. Mais moi en tout cas ça ira, t’es pas vraiment mon genre… Surtout de l’intérieur, lui dis-je.

-       Putain Hank tu fais chier, t’as pas mieux à profiter de Paris que de parler à ce guignol pendant notre voyage de noce ? Moi je repars m’amuser viens me chercher avant d’être complètement défoncé car je te préviens, je ne répondrai plus de rien compris !?

-       Be quiet Darling ! 

Bukowski lève son presque deux mètres et l’embrasse avant de lui passer la main au cul en la laissant filer. 

-       C’est ta nana !!???

-       Non, ma femme depuis trois jours.

-       …Elle est bonne…On fête ça !

-       Ok mais avant j’ai un truc à faire… 

Il m’allongea une patate mémorable dans ma gueule de pédé et ajouta :

-       À part les femmes tu connais autre chose ?

Ce fût le jour où je parlai à Charles Bukowski, d’ailleurs ce fût même la nuit, elle dura deux jours...

                                                            Olivier Legendre dépôt SACD..Edvii.

  • C'est du vécu?

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Snapchat 83003621442229039

    stockholmsyndrom

  • On peut bien sûre et facilement faire plus sale mais après la subtilité qui en serai le pendant devrait l'être bien plus aussi et là je n'en serai peut être pas capable.

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Logolweloveword 465

    Olivier Sun7

  • C'est du propre ! Comme ne dirait pas Charles. J'aime l'écriture gratte-merde du bonhomme. Bon hommage, mais ça aurait pu être encore bien plus sale. Lacher, se lacher, pas de censure !

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Default user

    mlb

  • Génial, tout est bon dans ce texte, description, dialogues qui concordent vraiment avec ce que l'on pourrait avoir avec Bukowski. L'idée est bonne est le résultat est une réussite, bravo!
    Et pour mon récit "Cours vieille folle! cours!" Je te joins le premier épisode de cette série de nouvelles qui s'appelle "Journal de bar" des fois que t'aurais envie de te refaire une soirée avec le narrateur et Leroux. A plus!

    · Il y a plus de 11 ans ·
    220px lautr%c3%a9amont by vallotton

    Bryan V

  • j'adore!!!!!! un voyage avec charles, fallait oser se le payer et le réussir carrément bravo, j'y étais et tout avait changé d'époque!! encore un partage sur mon fb
    l'animelle

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Lanimelle 465

    lanimelle

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