Le mal des maux

fleurdelys

 Le mal des maux

L’heure est grave. Il faut agir. Je décide de prendre les choses en main. C’est une question de vie ou de mort. Mais où est le numéro de ce foutu médecin, ce n’est pas possible je l’ai appelé hier, il ne devrait pas être loin ! Bon sang, c’est un coup à faire un infarctus cette histoire. Ah c’est bon, me voilà soulagé. L’infarctus attendra demain, il est là ce fichu post-it, mis en évidence sur mon frigo.

-          Allo docteur MELARD, ici Pascal.

-          Ah…bonjour Pascal. Que me vaut l’honneur de votre appel aujourd’hui ? Hier c’était la méningite je crois ?

-          Oui c’est cela, mais bon ça c’est du passé. Je vise quelque chose de plus sérieux. J’y pense depuis ce matin. Je suis à nerf. En manque de nicotine je pense.

-          Mais vous ne fumez pas !

-          Justement, je devrais peut être m’y mettre car je ressens déjà le manque avant même d’avoir commencé.

-          Bon, je vois…Vous n’avez pas l’air en forme cette fois-ci. Cela m’inquiète. Venez à mon cabinet dans deux heures.

-          Euh…oui, si je ne suis pas déjà mort.

Deux heures plus tard au cabinet du docteur MELARD.

 Je viens d’arriver et déjà je ne peux que constater l’ambiance mortuaire de cette salle d’attente où sont placardées des affiches avec des poumons encrassés à cause du tabac et autres prospectus sur la mucoviscidose ou encore le cancer de la prostate. La semaine dernière les murs étaient blancs, sans fioritures. Mais là,  la maladie inonde cette salle d’une odeur putréfiante  de mort qui me regarde fixement avec ses yeux noirs et sa démarche fuyante. C’est un signe, je vais mourir ! Inextricablement, mon médecin me sort de ces pensées morbides. Heureusement, car je commençais à visualiser ma mort. Elle viendrait me chercher avec sa faucille dans le seul but de m’extirper de la vie. Elle pointerait son doigt dans ma direction, me désignant ainsi comme sa prochaine victime et m‘insufflerait son souffle mortel.

-          Bonjour Pascal, c’est à vous !

-          Ah Doc, j’ai cru ne jamais tenir le coup. Deux heures c’est long. Alors, j’ai passé le temps en commençant à fumer. A cet effet, j’ai plus de chance que vous me trouviez un cancer du poumon n’est-ce pas ?

-          Non. Il est temps de mettre les choses au clair Pascal. Ecoutez, vous ne mourrez pas à 20 ans d’une crise cardiaque ni de la tuberculose, ainsi que tout autres pathologies que vous seriez susceptible de me notifier. Nous avons fait une batterie de tests, et vous avez vu le résultat, vous êtes en pleine forme physique ! Vous êtes malade certes, et cette maladie c’est l’hypocondrie.

-          Ne jouez pas avec mes nerfs Doc’. Quel est le diagnostic, quelle est l’issue de cette puissante et terrassante affection dont le nom évocateur résonne en moi comme un signe annonciateur de mort.

-          Vous n’y êtes pas mon cher Pascal. Voilà maintenant six  mois que vous m’appelez ou que vous venez me voir au moins une fois par semaine. A chaque fois vous me présentez des pseudos symptômes que vous interprétez avec le dictionnaire médical et qui vous conduit sur les sentiers d’une nouvelle quête incessante, je devrais même dire une traque de la maladie.

-          Vous débloquez Doc’. Mes symptômes sont réels. Là, tenez par exemple, je sens un étau qui oppresse mon cœur d’une étouffante chaleur, je commence à sentir les gouttelettes de sueur qui coulent le long de mon dos, j’ai la bouche sèche et…

-          Je vous arrête tout de suite Pascal, vous avez beau me dire avec précision ce que vous ressentez, ce n’est qu’un leur. En vérité vous avez peur de vivre. Vous avez un besoin de reconnaissance. Indéniablement vous cherchez à ce que l’on s’occupe de vous !

-          Pfff, quel ramassis de conneries vous me débitez  là !

Je décide donc de partir sans le payer, et puis quoi encore ! Payer un médecin quand il vous prescrit des analyses ou des médicaments  je suis d’accord mais pour me dire que je n’ai rien, à part une hypocondrie sortie tout droit de son imagination, ça ne vaut pas le coup !

Ah ce médecin ! Il a une fichue obsession qui lui coure après. Il invente des maladies  à ses patients. Comme s’il n’y avait pas assez d’infections, d’épidémies, et de souffrances dans ce monde. Franchement, l’hypocondrie, quel mot saugrenu il est allé chercher !  Il devrait peut être consulter.

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