Le Marché

Hervé Lénervé

Précisions de l’auteur aux lecteurs, s’il y en a. « La maison décline toutes responsabilités sur les séquelles psychologiques que pourraient déclencher ce texte à la moralité douteuse. »

-         Nous recevons ce soir, dans notre studio, un jeune commercial aux dents longues qui vient de monter une entreprise.

-         Bonjour !

-         Alors, monsieur Lénervé, combien êtes-vous actuellement dans votre Star stop ?

-         Nous nous lançons seulement, il faudra attendre pour atteindre le plein rendement.

-         Oui, mais quels sont vos effectifs, nos auditeurs aiment savoir cela.

-         Nous sommes une petite équipe d'une personne, dont moi.

-         OK, une équipette. Donc, une petite structure aussi, je suppose ?

-         Actuellement, mes locaux sont situés sur les Champs-Elisée. Mais je vais bouger.

-         Pour vous développer ?

-         Non, pour avoir plus de place, car la loge de concierge de ma mère est minuscule et ma mère, majuscule.

-         D'accord ! Pouvons-nous parler business maintenant ?

-         Là, je suis dans mon élément, c'est mon domaine de compétences-performances-excellences-condoléances.

-         Quel a été votre chiffre d'affaire de l'année dernière ?

-         Là, vous êtes précis, vous, celui de 2020, alors ? Vous m'auriez demandé celui d'aujourd'hui, je le savais. Il y a des hauts et des bas dans la profession.

-         C'est pour cela que statiquement, le chiffre d'une journée, n'est pas significatif.

-         Ça m'arrange, parce qu'il n'était pas bon.

-         Autrement, quel est votre cœur de cible ?

-         Je n'aime pas parler de ma vie romantique.

-         Que vendez-vous ? Vous, compris, la question ?

-         Ah, oui, pardon ! Nous vendons de tout et de rien. Du tout-venant. Une demande. Nous y répondons, quel que soit nos sentiments personnels sur la transaction commerciale.

-         Des ventes de produits que les bonnes meurs réprouvent.

-         Nous ne sommes pas des philosophes moralistes à la Montaigne en haute-montagne. Une cliente a besoin d'un fœtus, on lui trouve un fœtus, c'est tout ! Nous, ce qu'elle en fait après, ne nous regarde plus... des cosmétiques bios à l'ancienne, je crois.

-         La tendance pour les fœtus, serait plutôt de s'en débarrasser.

-         On fait aussi ! Enlèvement discret à domicile en toute confidentialité.

-         Ce n'est qu'un marché réduit.

Détrompez-vous, c'est le gros de notre clientèle avec les euthanasies clandestines des maris nantis et gênants, les disparitions des épouses embarrassantes et volages. Nous œuvrons pour la sérénité de la famille apaisée, voyez-vous ?

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