Le marionnettiste

La vie ne tient qu'à un fil, je suivais ce fil conducteur qui serpentait en long fleuve tranquille.

A l'automne de ma vie, son cours n'était qu'un ru d'honneur qui se perdait dans les méandres de mes incertitudes.

Le murmure du messager électronique m'attira l'oeœil, une plume se posait sur la carapace d'airain qui protégeait mon coeœur d'artichaut.

La sergent major incisive inscrivait en lettres capitales un appel de mon égérie chérie réveillant les émotions du petit garçon qui sommeillait dans le monstre. Le chérubin traça dans mon rétroviseur le virage à quatre vingt dix degrés qui devait m'emmener vers ma seconde adolescence.

Je fonçais droit vers ma destinée sans réfléchir à cette vision du miroir inquisiteur qui se voulait salvateur et m'évadai du ruban d'asphalte. Je percutai le mur du silence au fond de mon euphorie, et dépassai le son de mon incompréhension.

D'ici bas je pris la hauteur nécessaire pour survoler l'insipidité de cette vie et m'invitai chez Saint-Pierre pour y faire mon marché.

Médusé, j'étais muet comme une carpe diem, le brave homme me regardait d'un air condescendant qui n'éleva pas plus spirituellement votre serviteur.

Hésitant, je lui tendis une offrande, et je ne sais pas pourquoi, mais son petit sourire crispé me fit comprendre que je ne me plairai pas dans ce palais des nuages, que ce n'était pas mon monde.

Il avait une voix aigrelette et porta un regard dédaigneux sur le sachet de thé que je lui tendais, il m'annonça qu'il ne marchait qu'à la caféine.

Moi, les principes des autres ce n'est pas mon truc, le monde du blanc cousu uniforme m'indispose et selon mes propres principes je ne vais jamais là où l'on veut que j'aille, ici comme ailleurs. Alors je lui ai expliqué que compte tenu de son grand âge, le thé vert de chine serait mieux pour ses artères et l'aiderait à avoir plus de clairvoyance pour faire sa logistique des âmes humaines.

Ici haut, le Saint est pire que l'homme, il dédaigna la tisane, un peu rouge cramoisi il m'indiqua d'un doigt rédempteur mais au demeurant fort autoritaire un long couloir pavé de mauvaises intentions.

Comme je vous l'ai dit, le balisage des conventions n'est pas ma tasse de thé, et je pris le barbu comme bouc émissaire.

Les êtres z'ailés sont prisonniers de leur égo et leur fragilité naturelle les transforme en proies de boa. Je toise le mage et lui assène qu'il m'infuse un mauvais procès pour mes sachets de thé, et lui dénie son pouvoir qu'il vante emballé d'une fausse sérénité. Je lui explique qu'il n'est que le liftier qui appuie sur les boutons de l'ascenseur mais qu'il est incapable de le renvoyer à ceux qui en ont besoin.

Le Saint qui porte en lui la vipère, vexé et froissé jusqu'au bout des ailes en perd son latin, et par abus de conscience me laisse choir.

Tombé du ciel, rescapé de ce paradis perdu et artificiel, je reprends mon traintrain quotidien et mène ma barque vers d'autres horizons incertains au libre cours de l'hydromancie.

Le papier électronique clignote et s'impatiente de végéter dans le tabernacle à neurones artificiels, il titille ma curiosité et me supplie de l'étaler sur ma boite à images.

C'est le majeur d'homme qui déclencha l'opération. Le papier à musique au goût d'encens synthétisait une réponse de je t'aime moi non plus.

Sur cette terre aride et inculte où les graines d'amours avaient été remplacées par des incubateurs d'OGM, où le genre humain n'avait de cesse de monnayer ses sentiments, ma belle pour se libérer de ses chaines sociales et morales avait gravi les marches du septième ciel et m'attendait dans le palais des nuages.

Ému et triste je levai les yeux au ciel, compris mon erreur et la raison des mes errances, mais l'homme est infatigable et irresponsable, je remis mon armure et envoyai le petit garçon au coin de mes peines.