Le missionnaire
Olivier Memling
Dominique mon ami
tu étais l'héritier d'un général de cavalerie
d'Empire
tu m'as donné son sabre
et j'écris devant lui
et le fils d'un ingénieur très catholique
d'une sainte femme douce et qui fut belle
tu habitais place des Vosges
dans la brique rose
et les salons fanés
La pensionnaire américaine
de tes parents
coutelait ses poissons éclatants
d’écailles et de vert et d’orange et d’argent
ses maquereaux violets
dans des herbes d’enfer
toi, tu regardais sa peinture et tu fixais ses reins
mais tu avais ta chambre d'ascète
Nous avons ensemble préparé nos vies
et rêvé toutes les utopies
tu étais fort et fou
pétant de sperme et de sang
fidèle à la folie
de ton idéal d'abstinent
et quand tu es parti, quand
tu es parti médecin à la légion
où tu as vu brûler les villages
et les couilles dans la bouche
les mouches sur les enfants morts et défigurés
tu as remis ton monde en cause
mais tu as raté ton évasion
il t'a remis en prison
Un clochard un jour est venu me voir
les jésuites t'avaient pris
puis ils t'avaient abandonné
drogué de pénitence et d'orgueil
et le monde avait deux nords
ou trois peut‑être
et tu ne savais plus que la douleur des autres
Trop légère ou trop autoritaire
fut la main que je portais
sur tes blessures salées
Tu es reparti athlétiquement seul
soigner les mondes en souffrance
au bord du Congo ou des mers de Chine
dans les détritus et dans la faim
"et le monde avait deux nords..." Magnifique texte
· Il y a environ 14 ans ·ko0
Très puissant... et douloureux. Merci
· Il y a environ 14 ans ·Edwige Devillebichot
Bel hommage.
· Il y a environ 14 ans ·Lézard Des Dunes
Super
· Il y a environ 14 ans ·Remi Campana