LE MOULIN ROUGE (version 1) totalité du texte

lanimelle

http://www.charles.book.fr/galeries/chair-inconnue/280203


Le Moulin rouge (hommage à Brigitte Fontaine)


« J’aime à me promener, dans la riche splendeur à venir et passé du château intérieur »


Les escaliers s’évadent sous ses pieds mous, emplie d’une légèreté nocturne.

Elle aime à venir dans ce moulin aux secrets, héritage d’ancêtres, dans la grande salle empoussiérée de passé, elle souffle d’un soupir pour y redonner vie.

Immense table débarrassée du vieux draps blanc miteux, elle aime s’y allonger, coller le dos à son odeur de vieux bois vermoulu, les pieds posés sur les arêtes épaisses, lui offrir sa solitude, devenir l’amante d’un vieux centenaire.

Apposer ses nœuds contre les siens et y ressentir la vie dans une danse de violons invisibles envoutés d’essences.

La fenêtre maintenant laisse le vent de la nuit pénétrer et les odeurs de fleurs la renverser.

Les murmures des fantômes reviennent encore une fois, ce n’était pas la première, il y avait dans cette pièce un mystère chaque fois qu’elle osait y rentrer.

Ils se mirent à lui parler doucement, raconter les histoires des fêtes d’un autre temps, contes et légendes, spectacles secrets.

Entre frère et sœur de rang, ils se retrouvaient là, les insomniaques, les curieux de la chose, les détrousseurs de plaisirs.

Les yeux déguisés en chat pour garder leur l’identité, femmes et hommes assoiffés.

C’était ici, dans cette salle aux plafonds hauts, aux lustres de bougies que les réunions de spécialistes se dispensaient, dans les nuits de pleine lune, quand les hommes deviennent loup de leur queue en panaché d’aires interdits.

Sous l’influence de leur voix, elle ferme enfin les yeux pour être avec eux, les retrouver dans leur monde, dans l’antre du « Moulin Rouge », regagner leur époque pour  percer peut être leur mystère.


Sur la soie de sa peau, une première main délicate, tendre, comme un souffle un peu lourd se pose et glisse sur elle, poésie de sensation, rimes ancestrales, bascule dans une ambiance lugubre.


Abandonnée à la rencontre de l’inconnu, puis de deux, puis de trois, jusqu’à ne plus compter les mains qui malaxent maintenant tout son corps telle une terre à façonner, à la faire devenir ce qu’ils en espéraient.

Mutation singulière sous une lune ronde dans un ciel noir dépourvu d’étoiles.

Réalité impalpable, aller en tous sens sur son corps sans retour, juste un peu de souffle qui se dégagent d’elle, juste l’oxygène qu’elle ingère et vomis lentement.

Les auréoles ridées d’excitation, germes érectiles dans la moiteur de la rosée précoce qui se pose, elle vibre de sentir ces générations défuntes jouer d‘elle.

 Du pied à la cuisse, toisant le creux des jambes sans jamais toucher le petit animal en pleur de manque.

Du bas du ventre, sur les hanches, dans la nuque, sous le bas des reins aussi, creusés, braqués sur la table devenue chaude.


Elle se mit à suffoquer de désir, dans ce vertige qui n’en finissait plus de la faire gémir.

Femme en larme de suc, sous l’errance de ces âmes revenues pour elle, sacrifiée sur l’autel muet , nue en spasmes d’ivresse, de désinvolture au gout d’épices d’un temps ancien.

Revenir à l’état brut, elle descendait dans les bas fond de l’état primaire et voulu d’un doigt aller trouver la solution, celle qui éteindrait enfin ce cœur fou de désir, cette chaire à vif, aux lèvres gonflées de volupté avec à la commissure, une nacre à boire.

Mais ses mains et ses pieds étaient retenus, elle pouvait en sentir la pression sur les poignées et les chevilles, elle était main à pied de chaque coté.

Le corps offert comme un cadeau pour l’enfer, d’un seul coup les mains se sont arrêtées, comme si lui était refusée, l’accès à la tentation de toucher son propre corps.

Le silence revint, brutal, inquiétant, son souffle se calma, comme si tout était fini, comme si les fantômes l’avait quittée, isolée par plaisir dans le bain de ses émotions instinctives.

Mais elle ne pouvait toujours pas bouger, patiente par contrainte, attendant elle ne savait quoi, presque revenue au bord de la vie, les yeux toujours enfouis dans le vide de ses absences.

Elle troua le silence d’un « quand ?» entre deux souffles aspirés, « quand? » et puis après plus rien encore l’atmosphère pesante qui l’habillait de vide, elle s’imaginait peut être alors regardée, elle aimait à en rêver, le sexe habité d’envie et de peur mêlées.

Elle devenait une combinaison à un seul trou, vêtue de cette nuit noire aux reflets d’ombres ocres et cuivrées qui passent et puis un petit quelque chose, un nouveaux murmure sans mains cette fois, juste un soupçon d’haleine sur le petit con en érection.

Redescente, retour au fond, concentration maximale sur l’origine de la substance réactivée, se placer, n’être maintenant plus qu’à un seul endroit dans ce corps vaporeux, aérien.

Vouloir renaitre du centre, devenir pépite dans un tamis, être la condensation des souffles qui se disputent devant la porte, attendre à l’intérieur, pas sage, énervée, avec l’envie de pousser, de sortir mais vouloir qu’on rentre, vouloir être forcée dans ces petits râles qui maintenant font grincer les dents de l’offerte.

Dans chaque souffles alternant l’absence et le retour des haleines chaudes, elle s’agace, se cambre, essaye d’échapper au désir pour se noyer dans le plaisir, vouloir gouter enfin à la mort, à cet élan qui mène à la frontière, là ou les âmes se retrouvent pour la paix, sur le fil entre l’enfer et le paradis, hésiter, puis le vouloir encore.

« quand ?» encore, comme une éclaboussure, comme  un accident de mot contre l’ambiance devenue lourdement parfumée de cette désespérée.

Elle devenait plaignante, voulant le sacrifice maintenant, le jugement, le marteau qui tombe sur le bois devenu tendre devant cette féminité exorbitée, défendues, exhibée.

Plus rien encore.  Et puis d’un seul coup, être seule face à ses absents qui se jouent de lui faire monter l’échelle de la déraison, qui se réjouissent surement du spectacle de cette possédée prise dans la tourmente tachycardique ou tout à envie de se rompre, ficelle sur le point de se casser mais juste là, juste avant que l‘âme s‘expulse de la machine.

Une bouche maintenant en succion délicate, astiquant le noyau en devenir de fruit mure, comme un novice qui découvre l’acide et puis ensuite comme celui qui  reconnait les saveurs et qui les aime jusqu’à vouloir boire et dévorer à la fois.

Elle était maintenant devenue comme eux, happée d’un mystère près à l’explosion, faux suicide d’une solitaire.

Il y en a qui ont dit que son cœur avait lâché, qu’il n’ y avait que les damnés pour oser rentrer dans ce moulin, que c’était une histoire de secret de famille, les vieux disent même que c’est la maison du diable là bas.

« Vous devez vous présenter chez le notaire, Monsieur Satan, le vendredi 13 mai 2011 pour l’ouverture du testament de votre arrière tante, Mme Fontaine, le Moulin Rouge vous appartiendra bientôt ».

La jeune fille au cheveu d’ébène, lisses et longs,  referma la page imprimée avec une drôle de signature en rouge, elle ne connaissait Mme Fontaine que de nom. Elle se sentait comme la fille sur le pont, en noir et blanc. Elle fit son adèle en  souriant et se dit « ca faisait si longtemps que  « j’attendais qu’il m’arrive quelque chose !» ».


L’animelle

  • Comme je te l'ai déjà dit, c'est la "version" de "Moulin Rouge" que je préfère. La ligne narrative est moins foisonnante que dans la 2ème et la 3ème. Mais dans ces deux versions tu te perds dans le dédale de ton récit à tiroirs. Ici, tu restes merveilleusement concentrée sur l'essentiel. Tu déroules ton fil, ténu, frêle, fragile, et tu brodes tes versets sataniques (Brigitte Fontaine en suppôt de Satan, fallait y penser !) sans trop d'accros (tu sais à quoi je fais allusion...). Il me semble que les premiers vers de la chanson "Château intérieur" t'ont permis de te lancer, en te donnant une tonalité qui te va très bien. Je suis moins convaincu par la photo associée de Platret.

    · Il y a presque 13 ans ·
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    saint-james

  • merci lili bellule de vous être posée sur le moulin rouge.
    l'animelle

    · Il y a presque 13 ans ·
    Lanimelle 465

    lanimelle

  • L'écriture d'une fluidité sensuelle s'allie bien au sujet. J'ai aimé vous lire.

    · Il y a presque 13 ans ·
    Dongwu.n.8 1  orig

    lili-bellule

  • merci léo, toujours plein de gentillesse!!! bon je retourne chez toi, j'ai envie de te lire encore.
    l'animelle

    · Il y a presque 13 ans ·
    Lanimelle 465

    lanimelle

  • C'est nickel de chez nickel ! Très belle écriture, comme un voile d'effluves sentimentales ! Une grande réussite, bravo et coup de coeur l'animelle !

    · Il y a presque 13 ans ·
     14i3722 orig

    leo

  • et bien dit donc!! je n'aurai pas espéré autant!!! oui moi je suis une impulsive de la plume, les personnages sont dans ma tête, je n'ai qu'à raconter ce que je vois!!! le plaisir que j'ai à écrire est donc arrivé jusqu'aux lecteurs!! fabuleux!
    l'animelle

    · Il y a presque 13 ans ·
    Lanimelle 465

    lanimelle

  • Je viens de lire tes nouvelles "Moulin rouge" ... J'ai cru comprendre que tu travaillais au feeling, je suis impressionnée, ces histoires sont originales, et très éclectiques. Tu as réussi à me scotcher devant un écran depuis plus d'une heure, juste pour le plaisir de te lire.

    · Il y a presque 13 ans ·
    Tourbillon 150

    minou-stex

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