Le mur

ristretto

L'été n'était pas fini,

sans bruit les dernières hirondelles effilochaient la brume,

mais les soirs avaient encore des lueurs framboisines par delà le grand mur.

Bientôt, dans quelques jours à peine, il ne serait plus qu'ombre.

Postée comme à l'accoutumée à l'unique fenêtre de son petit logement, Francette connaissait bien le mur d'en face.

Il était son horizon.

Le grand mur d'en face, long comme un jour sans pain, gris taupe, uniforme, il filait jusqu'à la place des potences.

Il allait plus loin encore, mais Francette ne se souvenait plus du noms des rues.

Peu importait maintenant, ses jambes ne la portaient plus que de son lit à cette fenêtre face au mur.

Le mur, elle le regardait.

Comme sur un écran elle y voyait parfois les vagues de l'océan, nuages d'écumes ou goélands. Les heures s'écoulaient, son regard vagabondait de grèves en presqu'îles. Elle y laissait voguer ses rêves de voyages vers des outre-mers exotiques.

Le mur, elle lui parlait.

D'une petite voix fluette, elle lui confiait bien des secrets. Son premier amoureux qu'elle retrouvait en cachette à la sortie de l'usine. A bicyclette ils allaient jusqu'au bois du Meunier. C'est là qu'un soir de juin elle s'était donné à lui, juste avant qu'il ne parte à la guerre.

Le mur comme par magie lui renvoyait ce parfum de lavande et d'herbes coupées.

Le mur, elle l'écoutait aussi.

Il avait des rires frêles, des chants et des tambours.

Il avait des murmures, des gémissements, des plaintes.

Il avait des cris, le grand mur gris de la prison Saint Jean.

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