Au pays d'où je viens, il y a un peintre qui toutes les nuits va planter son chevalet dans la nature. Tous les jours, dès que les rayons du soleil passent de l'autre côté, il met son chapeau tout tordu, prend son chevalet, sa grande toile et son petit matériel pour se rendre toujours au même endroit. Une grande prairie bordée de forêt au pied d'une colline haute.
Là, à la clarté de la lune, il installe son atelier champêtre.
Bras en croix, il pose sa toile sur son chevalet, puis ajuste son chapeau tordu pour se planter le nez au ciel, pinceaux dans une main, palette dans l'autre.
D'un coup, comme s'il pouvait voir le vent passer dans le puits de la nuit étoilée, il se met à caresser la toile du pinceau et pose ses couleurs. En suivant son modèle dans le ciel, ses yeux font ceux de l'oiseau qui battent frénétiquement de bas en haut, il peint vite très vite le nez presque collé à la toile, sa main autonome va chercher les teintes, les mélanges et finit par les coucher en ordre d'harmonie sur le coton.
Le sujet se révèle, rapidement, … un oiseau en plein vol.
A peine dépose-t-il la dernière touche que l'oiseau sort du cadre et poursuit son vol à grands coups d'ailes vers les étoiles.
Le temps fait une pause, le peintre se fige, pinceau pointé vers la toile, regard perdu vers une lune blanche. Puis, lentement, minutieusement, il essuie ses pinceaux, gratte un peu de son couteau sa palette, y étale un arc-en-ciel de couleurs fraichement sorties de tubes pour se remettre à peindre sur une toile redevenue vierge.
« Il sera bleu celui-ci » se dit-il en silence.
Le travail reprend sur la même chorégraphie, au rythme des sons de la nuit, seulement cette fois alors qu'il a presque fini de peindre, il s'interrompt, recule d'un pas, la queue de pinceau tout contre le menton les yeux très concentrés sur le travail en cours : il le trouve très beau cet oiseau-là.
Il reste immobile un instant pour se remettre rapidement à l'ouvrage en lissant les plumes, touche à touche, en pinceaux de plus en plus fins jusqu'à ce que l'animal se réveille et file vers le ciel, sous la lumière de la lune où il disparait très vite. Sa couleur se confondant avec elle, il y avait plongé comme un éclair pour s'y fondre.
Le peintre, lui, reste ébloui un moment, tête en l'air, comme s'il pouvait saisir l'échos dans le vent des battements d'ailes, comme si le ciel lui parlait, puis, il retourne à sa toile vierge.
Là, posée sur le bord du chevalet au bas de la toile, il a la surprise de voir une petite plume d'un très beau bleu de lune, un petit duvet très tendre lui décorant la pointe. Il s'en saisit pour la poser sur son chapeau qui en était démuni.
Alors que l'heure avance et qu'il ne va pas tarder à réunir ses affaires, un homme approche en courant derrière une brouette, apparemment vide.
- Bonjour peintre
- Bonjour
- ha ! Manque d'inspiration cette nuit vous allez rentrer vierge
- non non, j'ai été gâté, j'ai peint un oiseau rare
- chouette
- non je ne sais pas son espèce, un oiseau tout bleu
- ha, ben il est où cet oiseau ?
- il a filé, très vite et a suivi un rayon de lune pour se fondre très haut
- ha bon
- oui
- et ça vous arrive souvent ?
- non c'est la première fois
- ha, tant mieux, sinon il ne vous reste rien
- ha si, ils partent tout le temps, mais là, c'est la première fois que je peins un si bel oiseau bleu
- mais dites, tous vos oiseaux s'envolent ?
- oui
- de toutes les couleurs ?
- oui
- remarquez c'est pour ça qu'ils ont des ailes aussi
- ben oui
- c'est dommage, vous avez un air de bon peintre, ben vous savez quoi ?
- Non ?
- faut peindre des barreaux avant
- avant quoi ?
- avant de peindre vos oiseaux
- ben non ça revient à peindre une cage, moi je suis peintre à oiseaux
- ha alors je compatis c'est embêtant
- pour qui ?
- ben pour vous c'est votre tableau
- j'ai toujours été comme ça, mon tableau ne retient pas les oiseaux
- ha alors faut peindre autre chose
- quoi ?
- je sais pas moi… des éléphants !
- vous avez déjà vu des éléphants voler vous ?
- non
- ben voilà
- effectivement, dites, vous êtes un peu bizarre vous non ?
- je ne crois pas, à part mon chapeau
- oui il est drôlement tordu mais avec cette plume il est très beau
- merci
- Bon dites je vais vous laisser vous rentrer, moi je monte.
- vous montez où ?
- en haut de la colline changer de brouette
- ha oui ?
- oui j'en laisse une toutes les nuits pour qu'elle se remplisse un peu
- qu'elle se remplisse de quoi ?
- de larmes du ciel
- ha ? parce que le ciel pleure la nuit ?
- vous avez déjà vu le ciel pleurer le jour vous ?
- non …
- ben voilà
- et…vous en faites quoi de ces larmes du ciel ?
- j'en arrose mon jardin et mes plantations, ne le répétez pas
- non non je garde ça pour moi, alors, ça fait quoi ?
-vous avez déjà vu des larmes de ciel ?
- non jamais… c'est comment ?
- si on sait les regarder on voit qu'elles ne s'unissent pas comme de l'eau, ce sont des toutes petites perles arc-en-ciel très serrées entres elles et surtout…
- surtout quoi ?
- elles murmurent
- ha bon
- oui, chaque larme murmure
- la même chose ?
- je ne sais pas on distingue pas elles murmurent toutes en même temps
- ça doit être très beau à entendre
- plus que très beau ! Alors je récolte ces larmes pour les mettre au pied de mes rosiers et vous ne me croirez pas, mais mes roses , si on sait écouter, leur parfum devient un chant. Un chant comme un vin, ample, enivrant, un parfum envoutant qui enfle et redescend, s'installe dans l'air ambiant.
- c'est formidable vous en avez de la chance…dites je peux vous demander quelque chose ?
- oui mais dépêchez-vous il faut que j'y aille
- vous pourriez me rapporter un peu de ces larmes ?
- vous voudriez y tremper vos pinceaux ?
- pas du tout, pas du tout ! je voudrais en remplir une coupe pour que mes oiseaux puissent se désaltérer avant de partir. Je pourrais mieux en profiter …peut-être qu'ils me feront un petit chant avant de s'envoler et puis allez savoir ils ramèneraient des larmes vers le ciel ça le fera peut-être rire.
- si j'accepte je pourrais voir vos oiseaux ?
- bien sûr
Ils se tapent réciproquement dans la main et pendant que l'un court derrière sa brouette l'autre a le sourire aux lèvres. Il se réjouît à l'avance des moments qu'il va passer avec ce cueilleur de larmes. Ils pourront ensemble assister au spectacle de l'un de ses oiseaux, posé sur le bord d'une coupelle, les pattes encore humides de couleurs, le corps oscillant et plongeant lentement vers l'avant pour délicatement goûter aux larmes du ciel avant de pousser un chant vers son bleu et le rejoindre.
Si vous visitez mon pays, si vous passez à la clairière la nuit, si la lune est en offrande et que vous ne vous faites surtout pas remarquer, peut-être pourrez-vous apercevoir le peintre des oiseaux et le cueilleur de larmes. Ils seront surement à quelques pas d'un volatile fraichement peint en train de se rafraichir et si vraiment vous êtes de ceux qui peuvent voir, alors vous entendrez le chant nouveau de cet animal sortit du cadre pour s'envoler vers l'azur.
Vous verrez, ce chant de liberté sous les rayons de lune vous accompagnera partout, vous ne pourrez plus l'oublier.
Je viens de le lire sur le forum de claire et le commenter et puis j'ai pensé qu'il était temps de passer par WLW pour y placer un petit texte, dont le défi qui ferait peut-être un peu de pub pour Claire... car aussi cela faisait longtemps que je n'avais pas édité sur ce site..... et pof je reviens vers l'oiseau... tu vois je suis toujours avec le chant du bonheur et de liberté......Kissous
Très beau texte....
· Il y a plus de 7 ans ·Maud Garnier
Meci Maud
· Il y a plus de 7 ans ·nessim
Joli conte où magie et imagination donnent envie d'aller visiter cette mystérieuse clairière!
· Il y a plus de 8 ans ·isabellemarie
ha mais il faut y aller, juste être discret et bien regarder :-) merci de cette lecture Isabelle
· Il y a plus de 8 ans ·nessim
un très beau texte, poétique, une belle rencontre entre le peintre aux oiseaux et le cueilleur de larmes... j'ai beaucoup aimé, merci Nessim !
· Il y a plus de 8 ans ·Véronique Desboeufs
merci Véronique , je n'ai fait que témoigner:-)
· Il y a plus de 8 ans ·nessim
Je viens de le lire sur le forum de claire et le commenter et puis j'ai pensé qu'il était temps de passer par WLW pour y placer un petit texte, dont le défi qui ferait peut-être un peu de pub pour Claire... car aussi cela faisait longtemps que je n'avais pas édité sur ce site..... et pof je reviens vers l'oiseau... tu vois je suis toujours avec le chant du bonheur et de liberté......Kissous
· Il y a plus de 8 ans ·vividecateri
je viens de te répondre sur voyagination :-) toi tu la connais cette clairière...Bises vivi
· Il y a plus de 8 ans ·nessim