Le Requiem par Karajan
Sébastien Bailly
Un Requiem, ce n'est pas forcément triste. Prenant, envoutant, mais triste ? Pas au début en tout cas. J'étais enfant. Ma grand-mère passait le disque. Elle posait l'aiguille sur le vinyle. C'était à la campagne et c'était juste beau. C'était Mozart, c'était Karajan, l'orchestre philharmonique de Berlin. C'était presque une heure juste interrompue le temps de passer d'une face à l'autre. On était assis, on bougeait à peine. Il n'y avait pas un bruit.
Plus tard, bien plus tard, j'ai acheté le CD. Un ange à ailes bleues, presque de dos, sur la jaquette. Là, je savais. J'avais vu Amadeus jusqu'au bout et la mort de Mozart après son rire. Le Requiem avait pris son sens, et rendait la mort belle. Mieux, elle lui donnait de la valeur, du sens. De la dignité.
Lorsque ma grand-mère est morte. Lorsqu'on l'a enterrée à quelques kilomètres de la maison où l'on se retrouvait l'été pour écouter des disques et faire des confitures, on a passé le Requiem. Forcément. Boucler la boucle avec son morceau préféré. Et comme un écho à notre silence complice de l'enfance, c'est sur ces notes là, ces chœurs, ces solos, qu'on a jeté sur le couvercle en bois les roses blanches.
Et le Requiem, depuis, ce premier air, surtout, et le rebond du second, et puis, et puis... Et puis tout le Requiem, cette version là entre toutes, c'est à la fois le goût sucré de l'enfance, et celui métallique de la mort, la poitrine qui se sert et les vibrations qui la font tressaillir.
A la vie, à la mort.
Merci pour cette chronique pleine de cœur. Top de découvrir que je ne suis pas la seule à l'avoir aimé tôt, à la vie à la mort comme vous écrivez. Bravo !
· Il y a plus de 9 ans ·fionavanessa