Un Floyd sans filet
buge
A Saucerful of Secrets, album de transition… Parmi les qualificatifs les moins flatteurs qui collent à la peau du deuxième album du Floyd, le plus injuste reste probablement celui-ci.
D'abord parce que le seul fait d'employer ce terme de "transition" pour un disque dans lequel le membre fondateur et, occasionnellement, principal compositeur, s'éclipse au détriment d'un petit nouveau, fusse-t-il un ami d'enfance, confine à une mignonne lapalissade.
Mais soit. Admettons. Après tout, lorsque « les bornes sont franchies, il n'y a plus de limites », disait Pierre Dac. Considérons donc A Saucerful of Secrets comme un album de transition.
En 2015, il apparaît évident que les graines qui donneront plus tard les Embryo, Echoes, Shine on you crazy diamond sont plantées à ce moment-là. Elles ont même un nom : A Saucerful of Secrets ou Set the Controls for the Heart of the Sun. Soyons même beaux joueurs et ajoutons que la création de cette dernière remonte à la période Barrett puisque ses premières séances d'enregistrement datent du 7 août 1967, soit deux petits jours après la sortie de Piper.
Transition, il y a, c'est vrai, mais de là à en faire un cliché digne du fameux "album de la maturité", il y a un pas immense qui, une fois franchi à la va-vite, laisse derrière lui pléthore de qualités inestimables.
A commencer par cette particularité : Saucerful est le seul album du Floyd dans lequel interviennent les cinq membres du groupe. Tous auraient même pu se retrouver sur Remember a day si… Norman Smith n'avait pas remplacé Nick Mason derrière les fûts.
Par ailleurs, c'est un disque marqué par la patte de deux leaders dont les styles diffèrent quelque peu : Waters oriente le quatuor vers des contrées prog (Set the controls…), mais même lorsqu'il rejoint Wright sur un terrain purement pop, ses percutants (et réussis) Let there be more light et Corporal Clegg tranchent avec les mélopées du claviériste dont Remember a day reste l'une des plus belles compos au contraire d'un See Saw au charme suranné et bien moins convaincant.
Bientôt les deux hommes ne pourront plus se voir en peinture. Pour l'heure, ils unissent leur force créatrice et avec l'aide de leurs acolytes, parmi lesquels un Gilmour encore bien discret, ils accouchent d'une pièce maîtresse magistrale : A Saucerful of Secrets. Un véritable chant des sirènes divisé en quatre parties dans laquelle une ambiance sourde et brumeuse (Something else) semble faire place à une apocalypse (Syncopated pandemonium) avant que la clarté, signe de renaissance, ne revienne (Storm signal et Celestial voices). Un schéma que reprendra sensiblement Echoes, trois ans plus tard.
Ni album de transition, ni de rupture, encore moins suite logique, ce deuxième opus est bel et bien le disque de la prise de risques pour un groupe qui, à tenter le va-tout sans filet, avait tout à perdre après la défection de son leader charismatique, auteur ici d'une sortie à vous nouer l'estomac (Jugband blues). Si un album du Floyd est sous-estimé, c'est bien celui-là.
Vous avez raison de louer cet album lâ (et les précédents) car pour beaucoup, l'essence du groupe c'est ça. Néanmoins je serai honnète en avouant que pour moi tout commence avec ''More'' en 1969 et se termine avec ''The Wall'' en 1979.
· Il y a plus de 7 ans ·enzogrimaldi7