Le rite de passage

lespizzasjoey

Qu’est-ce que tu fais des petits bouts de textes que tu écris comme ça, par sursaut d’inspiration, et qui ne vont pas plus loin que le bout d’une page ? Qu’est-ce que tu fais des petites histoires qui ne sont pas poursuivies, car le moment d’écriture est passé et à jamais irrattrapable ? Qu’est-ce que tu peux faire de tous ces mots ?

Tu as bien tenté de les mettre les uns à la suite des autres, page après page, d’en faire un recueil un peu bizarre ; car aucun d’eux ne se ressemblent, ils n’ont pas le même thème, ils n’ont rien en commun sinon d’être passés sous la délicatesse de tes doigts.

Ce qui est drôle, c’est que quand tu les relis, tu es fier de toi. Tu jètes un coup d’œil à l’année d’écriture – car tu écris toujours la date avant de commencer à écrire, c’est une habitude que tu as prise au fil du temps – et tu te dis qu’à cette époque, tu savais de quoi tu parlais.

Tu te rends compte alors qu’écrire n’est qu’un rite de passage. Ce sont des idées qui baignent dans ton esprit et qui voudraient bien voir le jour. Alors elles enfilent une tenue sobre – souvent noire ou bleue marine –, et elles se tiennent droites pour être sûres d’être bien accueuillies de l’autre côté. Puis elles se laissent guider de cellule nerveuse en cellule nerveuse, pour arriver à l’endroit le plus mystérieux du corps humain : la frontière entre le doigt et le stylo.

Là bas il règne un soleil de plomb, un soleil de 40Watts en moyenne – parfois plus, parfois moins. C’est une frontière intimidante oui, avec des ombres effrayantes qui peuvent prendre n’importe quelle forme, droite ou courbée, nette ou floue… et qui ne laissent passer que les meilleures idées.

Il lui arrive de se tromper, et dans ce cas là, une tempête se déclenche de l’autre côté du doigt : le stylo raye l’idée, il l’a bat à mort. Ce n'est pas joli à voir et encore moins à entendre. Le bruit d'un stylo qui raye une idée c'est comme un cri perçant dans une nuit noire et silencieuse. Une idée rayée est une idée qui fini par mourir adossée au mûr d'une feuille de papier. Et une feuille de papier avec une idée rayée fini souvent elle aussi d'une bien triste manière : froissée ou pire, déchirée en mille morceaux sous l'ombre noire d'une poubelle.

  • Je me suis posée cette question mille fois, l'eternelle du à quoi ça sert tout ça. Mis bout à bout ça ne ressemble à rien, à un pantin désarticulé à qui on voudrait apprendre la salsa, à l'impossible improbable quoi. Mais en attendant, mon pantin s'agite et me souffle des mots, je ne les censure pas, je les écris, et même désarticulé, le pantin s'en sort bien. On ne reconnaît pas un homme à ce qu'il est, mais à ce qu'il en fait (j'admets c'est Batman alias Christian Bale qui a dit ça, pas moi) :)

    · Il y a plus de 12 ans ·
    Img 3458

    Alice Neixen

  • ok un témoignage à méditer, le stylo est une pioche dans la cervelle et le coeur, il déterre le mauvais ou le meilleur, il creuse l'âme avec ou sans douceur, il raie la feuille en répandant son encre de douleur, armée d'une plume la main devient dangereuse, si le coeur pert le contrôle de son cerveau,

    · Il y a presque 13 ans ·
    Mariage marie   laudin  585  orig

    franek

  • Un témoignage très intéressant. C'est vrai que ce que l'on jette sur le papier parvient parfois à nous dépasser. Mais le stylo qui biffe et se rebiffe a un avantage sur la parole, dans la mesure où ce que l'on dit ne peut être ravalé.

    · Il y a presque 13 ans ·
    027 orig

    Chris Toffans

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