Le Salut aujourd'hui - essai découpé en vers

Yannick Bériault

Elle est perdue pour les grands soirs,

l’âme qui à elle-même se fait renaissance.

Luciférienne, elle renverse la tête

à se corps et le secoue

d’un rire terrible

qui amorce autour l’axe un pivot,

vers la gauche, vers la gauche...

Perdue pour la grande communion,

l’âme qui de son histoire

regarde l’ensemble et n'y veut

rien changer,

se sent prête à tout recommencer,

encore et encore…

Il n’y a pas chez elle place pour le péché,

ni ange ni démon ne peut

voir auprès d’elle sa tâche

Elle accepte, exaltée,

de sa trame nerveuse jusqu’au pire,

se prépare en chaque instant Renaissance

et ainsi précieusement se garde

des grandes communions collectives ;

du reset salvateur de l’orgie de conscience ;

de la destruction de soi dans l’attente du déluge…

des grandes vagues qui lavent l’identité

Non, cette hérétique se préfère

infiniment

aux âmes se délestant,

s’allégeant d’elles-mêmes,

au bassin dissolu des ensembles,

fébrile, lascif,

insidieusement incestueux…

Non, elle se préfère et revivrait cent fois cette vie,

son époque, ses ancêtres,

l’histoire, ses horreurs,

l’imperfectible civilisation,

l’irréductible fond bestial…

Non, elle est perdue

pour l’Apocalypse en fin de course,

pour le dégoût bon ton

que ce monde a de lui-même,

l’Idéal déçu et sombrant

aussi sûrement que prenant train

vers le Jugement Dernier

Non, elle ne sera pas des sauvées

car elle célèbre ce monde

en chacune de ses journées,

car elle revivrait chacune d’entre elles

telle une éternité

Est-elle du naufrage chrétien la rescapée

ou son projet secret, son inversion,

de sa Gloire l'ultime expression ?

Elle est perdue pour les grands soirs,

l’âme qui à elle-même se fait une renaissance.

Luciférienne, elle renverse la tête du corps

et le parcours d’un rire terrible

qui amorce autour l’axe un pivot,

à sens antihoraire…

Perdue pour la grande communion,

l’âme qui de son histoire regarde l’ensemble,

n’y veut rien changer,

se sent prête à tout recommencer,

encore et encore…

Il n’y a pas chez elle place pour le péché,

ni ange ni démon ne peut

voir auprès d’elle sa tâche

Elle accepte, exaltée,

de sa trame nerveuse jusqu’au pire,

se prépare en chaque instant Renaissance

et ainsi précieusement se garde

des grandes communions collectives ;

du reset salvateur de l’orgie de conscience ;

de la destruction de soi dans l’attente du déluge…

des grandes vagues qui lavent l’identité

Non, cette hérétique se préfère

infiniment

aux âmes se délestant, s’allégeant d’elles-mêmes,

au bassin dissolu des ensembles,

fébrile, lascif, vaguement incestueux…

Non, elle se préfère et revivrait cent fois cette vie,

son époque, ses ancêtres,

l’histoire, ses horreurs,

l’imperfectible civilisation,

l’irréductible fond bestial…

Non, elle est perdue

pour le projet d’Apocalypse en fin de course,

pour le dégoût bon ton

que ce monde devrait avoir de lui-même,

l’Idéal déçu et sombrant

aussi sûrement qu’embarquant un train

vers le Jugement dernier

Non, elle ne sera pas des sauvées

car elle célèbre ce monde en chacune de ses journées,

car elle revivrait chacune d’entre elles

telle une éternité

Est-elle du naufrage chrétien la rescapée

ou son projet secret, son inversion, sa gloire ?

  • Ce que je pense aussi

    · Il y a presque 12 ans ·
    Th

    terosse

  • Je crois aussi à l'existence de l'âme au-delà du concept. Ce qu'il y a d'impondérable et de potentiellement sublime - qui peut atteindre la Grâce - dans l'individu. C'est à elle que le texte s'adresse, qui est le sujet de la seule libération qui fasse sens et qui se retrouve à mes yeux écorchée dans les "orgies de conscience" de la fusion avec le collectif. Je suis convaincu que son Salut, à contre-courant de la majorité des systèmes moraux érigés à ce jour, plutôt fait de soleil, de jouissance, de désinvolture et de conscience tragique, que son Salut donc est - contradiction apparente - ce qui peut seul sauver le collectif.

    · Il y a presque 12 ans ·
    11033880 825117154233339 6283109977325325793 o

    Yannick Bériault

  • Et si au lieu de faire un pas de plus dans la métaphysique, je faisais un pas derrière, non pas pour éviter le débat mais pour nous rapprocher du Salut :

    J'avance que l'âme est, simple et sublime, le véritable sujet de la liberté.

    · Il y a presque 12 ans ·
    11033880 825117154233339 6283109977325325793 o

    Yannick Bériault

  • Je crois que l'âme n'est pas un concept, mais bien une réalité concrète. Elle a une autonomie dans l'être, et dans le groupe aussi. Elle n'est pas l'esprit, elle le surclasse car elle est silencieuse et trouve son origine dans la nature. L'esprit, lui, est instruit par la civilisation qui l'entoure et aide le corps à s'y adapter et y survivre. L'âme dépasse ses notions pour essayer de conserver un rapport sain de l'homme avec cette nature, qui peut être symbolisée par Dieu. C'est elle qui rattrape l'esprit corrompu quand elle est suffisamment forte. C'est à ces moments qu'on sent de la noblesse en nous quand ce coeur se réchauffe et nous pousse à faire le bien, et c'est silencieux. Il n'y a pas de mots dans la tête car ce n'est pas l'esprit qui parle. L'esprit s'intéresse aux besoins immédiats et matériels, l'âme à la survie de l'espèce humaine. C'est elle qui fait qu'on peut entrer dans une maison en flamme pour sauver des enfants, parce qu'on est une bonne âme ou une âme forte.

    · Il y a presque 12 ans ·
    Th

    terosse

  • pour compléter, je dirais que l'âme pour ma part ne représente aucune notion de religiosité, ce n'est qu'une composante de l'esprit ( pas saint!!) où se logent les sentiments nobles de l'humain, l'humanité est en danger et pour tenter de la sauver il faudra chambouler les mentalités, c'est ce que ton texte a réveillé en moi,

    · Il y a presque 12 ans ·
    Mariage marie   laudin  585  orig

    franek

  • @Franek : Je suis bien content que vous trouviez dans ce texte à entendre ce que vous voulez entendre mais je m'avoue surpris que vous y trouviez un appel au grand soir et la notion de bonheur universel. L'âme dont on parle ici affirme plutôt dédaigner de tels détours et faire son salut autrement, présentant de telles notions comme son antithèse même. Peut-être souhaitez-vous développer.

    Merci à tous de vos commentaires et d'avoir relevé l'appel à la discussion.

    · Il y a presque 12 ans ·
    11033880 825117154233339 6283109977325325793 o

    Yannick Bériault

  • Lucifer peut être comparé à Prométhée, et en ceci il apporte aux hommes un changement de leur rapport avec le divin. Ici, cette âme luciférienne porte en elle un changement du même ordre, au potentiel de chocs techtoniques. Mais ces chocs partent d'abord d'une individualité réellement vécue, à tous prix - et avec la nécessaire confrontation avec le vide intérieur - et de là se répandent par vagues concentriques. Si cette âme est déçue, c'est d'abord des promesses de Salut collectif et des eschatologies diverses : elle a parlé avec le démon et celui-ci lui a apprit que le rapport avec le divin était vertical avant d'être horizontal...

    · Il y a presque 12 ans ·
    11033880 825117154233339 6283109977325325793 o

    Yannick Bériault

  • C'est génial. J'adore les poèmes qui questionne. Je crois que c'est le fond d'un poème, d'un vrai. C'est comme ça qu'il nous parle. Et moi ce poème me parle.

    · Il y a presque 12 ans ·
    Th

    terosse

  • ce salut que je salue, un texte interrrogatif est-il ce fameux salut de toute religion? moi j'y vois aussi cet appel au grand soir du sauvetage de l'humain , la revolution des états d'âme et la prise de pouvoir du bonheur universel, mais tout bon texte parle à chacun dece qu'il veut entendre et c'est encore le cas bravo

    · Il y a presque 12 ans ·
    Mariage marie   laudin  585  orig

    franek

  • J'aime les interrogations pointées dans cet essai en forme de vers. Interrogations sur notre propre coeur, notre âme et ses aspirations éclatées. Pour reprendre ce que dit Joëlle Pétillot, il y a beaucoup de nous dans cette âme perdue pour les grands soirs.

    · Il y a presque 12 ans ·
    Omicron 1 orig

    Christophe Dessaux

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