Le secret des sept boules mystérieuses

le-fox

((Toute ressemblance avec des personnages de fiction existants ne saurait être que fortuite, et que ce ne serait même pas volontaire, d’abord).

« Moshi moshi ! Mitsuhirato san ? »

Non, je ne suis pas monsieur Mitsuhirato, c’est très certainement une erreur, non monsieur, ce n’est pas le 421 à Moulinsart, vous commencez à me les brouter sévère, adieu monsieur.

J’ai raccroché, furax. D’abord, j’ai horreur d’être réveillé par le téléphone, et ensuite, ce matin-là, je me tapais une gueule de bois de plusieurs stères. Le genre à faire des copeaux en se rasant. J’ai essayé de me débarrasser du goût argileux qui encombrait ma bouche pâteuse en avalant une rasade de whisky, car je m’étais laissé dire qu’il n’y avait rien de mieux que de soigner le mal par le mal. Miracle : « on » ne m’avait pas menti, et dans mon clapoir la pierre à fusil chassa la glaise. Pourtant, dans mon horoscope, c’était bien précisé : « méfiez-vous des mélanges, surtout en compagnie d’étrangers ». J’avais pas tenu compte…

Parce que tout ça, c’était la faute du marin alcoolo dernier degré que j’avais rencontré la veille au café « A l’Ancre ». Un barbu, à l’âge indéfinissable, cinquante et des poussières. Je ne sais pas pourquoi, ma tête devait lui revenir, enfin bref il m’invite à sa table, et commence à me dégoiser je ne sais quelle histoire d’épave et de trésor.

- L’or des Incas, à côté ? Babioles ! Brimborions ! Je vous cause trésor, moi, tonnerre de Brest ! Du lourd ! De l’épais !

C’est à ce moment là qu’un autre type était rentré, hurluberlu extrême, fagoté à la six-quatre-deux. Il avait foncé vers mon marin, mais ça n’avait pas eu l’air de lui plaire, au marin. Il s’était empourpré d’un coup, et j’avais eu la vision fugace d’une veine du cou en train de péter.

- Mais, bougre d’emplâtre à la graisse de hérisson, puisque je vous dis que votre appareil ne m’intéresse pas !

- Oui, c’est un appareil destiné à aller sous l’eau, à l’abri des requins.

- De toute façon, je n’ai pas le temps d’aller le voir.

- Ah ? Eh bien c’est entendu. Allons-y tout de suite.

J’en avais profité pour m’éclipser, avant que ça ne tourne au drame. Deux soliloques qui s’entrechoquent, marin contre sourdingue, ça risquait de faire des étincelles.

Dehors, il faisait une chaleur à crever. Histoire de récupérer, je m’étais accroché au mur, et j’avais compté les étoiles. Une de trop dans la Grande Ourse : ça commençait bien… Dans mon crâne, il y avait un malfaisant qui tapait sur un gong en annonçant la fin du monde. Pas à dire : j’en tenais une bonne. Comment j’avais réussi à retrouver la rue du Labrador, mystère ; les ivrognes doivent avoir des boussoles internes. Enfin là, j’avais mes repères. La boulangerie, et en face, le 26, premier étage droite, mon logis douillet. Ne pas réveiller madame Pinson, le bignole. Récemment, j’avais commis l’impair de me casser la gueule dans les escaliers – pas exprès – et de gueuler quelques grossièretés inspirées par l’événement. Elle ne m’avait plus monté mon courrier d’une bonne semaine… Trouver ma clef, trouver le trou de serrure (jamais à sa place), trouver le lit, m’écrouler dessus.

Avant de m’endormir, j’ai eu comme le sentiment éphémère d’avoir déjà rencontré tous ces gens-là. Mais où ? Mystère. Je suis journaliste, enfin si on veut, je fais des petits dessins au journal « Le Soir », depuis que le « Vingtième Siècle », mon ancien employeur, ne paraît plus. Alors forcément j’en rencontre, des gens. Mais le plus fort, c’est que j’ai eu la certitude qu’il me manquait un personnage, dans le lot. Un type plus jeune, avec un chien. Très bizarre, comme sensation.

Il faudra que je les décrive aux deux jumeaux de la PJ. Peut-être qu’ils se souviendraient, eux.

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