Le Souffle noir.

L'homme monte sur une boîte de métal posée sur le trottoir. Je sais que vous êtes tous ici des hommes pressés, des femmes de bureaux ou des employés de banque, et peut-être que l'histoire d'un noir dans la rue ne vous intéresse pas vraiment, mais si vous avez une minute ou deux, je vous invite dans ma vie, monsieur s'il vous plaît, madame vous aussi, écoutez, écoutez, s'il vous plaît je vous en prie, je suis un homme qui a joué tout son destin sur une seule carte, comme ceux qui viennent du Sud pour grimper l'Amérique, mais moi tu vois … moi l'Amérique il faut dire que j'y suis né, je suis fils d'ouvrier, qui se voyait poète, je parlais aux étoiles lorsque les hommes dormaient, j'écrivais sur la feuille le nom des rues où les frères sont morts, poésie urbaine avec une odeur de goudron, de fumée noire qui s'échappe après le troisième coup de feu, tu sais, ils en parlaient hier à la radio, enfin comme ça, vite fait, avant la météo et les résultats du loto, le sept, le neuf, le quinze et un cadavre de trop, demain il fera gris avec quelques éclaircies, la cagnotte montera à vingt-trois millions de dollars et un autre frère va mourir après le match de basket, j'ai grandi dans le ghetto, je ne vous cache pas que le poète a le spleen dans l'âme, lorsqu'on l'empêche de conjuguer ses verbes au futur, mais c'est pas grave parce qu'à la météo ils ont dit qu'après-demain, c'est presque sûr qu'il fera beau. Alors si vous avez une pièce, madame ou bien monsieur…