Le touriste à Paris
marinep
Le touriste, il ne sait pas que toi, le matin à 9h, tu n'es pas là pour repeindre la girafe : tu es en train de courir pour arriver à l'heure au boulot sur tes talons de 12 centimètres. Alors que lui, il flâne, le nez au vent, les chaussettes dans les sandales et l'appareil photo autour du cou. Il te nargue, le fourbe ! D'aucuns diraient qu'il est « Normcore », en fait, non, il est juste « beauf » et en vacances. Fier d'être dans la plus belle ville du monde. Il serait presque heureux de mettre le pied dans une crotte de chien, histoire de vivre l'expérience parisienne pleinement et d'avoir une petite anecdote à raconter à son retour.
Il prend tout le trottoir, marque des poses intempestives pour prendre en photo des trucs improbables : une façade d'immeuble toute décrépie, un SDF dans son duvet (quel manque de respect ! Voilà ce qu'il montrera à son retour de vacances : « Paris, grandeur et décadence » en rajoutant « en fait, c'est très sale Paris et d'une grande pauvreté, regardez ! »). Quel toupet !
Il n'est pas pressé le touriste, pourtant, il aime bien tester le métro aux heures de pointe. C'est plus rigolo. Ca sent mauvais, alors c'est « typique ». A croire que ça le fait marrer de se faire faire les poches à Pigalle et de se retrouver au milieu d'un tsunami humain au sortir de la bouche de métro. Quel masochisme !
Et puis, il fait la queue devant toi à la boulangerie et il met 8 heures à choisir ce qu'il va prendre, comme si c'était le choix d'une vie ! « Eclair au café, oh no, une chambon-beuwe… No, une millefeuilles please » Punaise, laisse-moi passer espèce de mollasson ! Moi j'ai déjà préparé mon euro et 5 centimes pour mon croissant. Oui, c'est cher, je te vois faire des yeux ronds comme des billes, mais tu sais quoi ? Ici c'est Paris, alors c'est comme ça, mec. Point. T'es pas content ? C'est pareil. Puis, bon, personnellement, je n'ai pas que ça à faire. Manquerait plus que tu me demandes de te prendre en photo avec ta femme et votre millefeuille pour 2, là, maintenant, tout de suite.
Tiens, pour la peine, je vais te le bouffer sous le nez, mon croissant (que toi, tu n'arrives même pas à prononcer correctement) pour te prouver qu'on peut manger des croissants et ne pas grossir comme tu l'as si bien lu dans ton « French Women don't get fat ». Histoire de donner raison aux clichés.
Le touriste, il achète tout : de la tour Eiffel en porte-clés aux sacs de luxe. Il en a plein les bras de son mix de babioles made in Taiwan et d'articles de designers à plus de 1000 balles. On le voit à peine derrière tous ses sacs. Quand il marche, ça fait le bruit de papier froissé des Grands Magasins. Toi, t'as un sac plastique avec ton Tupperware pour manger ce midi. T'as un peu les boules. Si au moins il faisait repartir l'économie le touriste…Mais non, il te pompe juste ton air. Pollué, certes, mais TON air quand même.
Pendant que toi tu seras devant ton fichier Excel après ton heure de RER, lui, il va tranquillement, aller boire un café à Montmartre, manger une raclette rue Saint Michel et il va terminer sa journée par un petit tour de bateau-mouche parce qu'il a lu dans le « lonely planet » qu'il fallait absolument le faire. Il va aller chez Chartier parce qu'ils sont rigolos ces Français à écrire l'addition sur la nappe ! Il va acheter un béret à sa femme qui ne décolle pas le museau de son plan de Paris pour qu'elle reparte avec un peu du « charme parisien ». Mais tu en as vu, toi, des Français avec des bérets à part sur les cartes postales dont tu vas remplir ta banane ?
Il va passer à côté du musée d'Orsay sans même s'en rendre compte, parce qu'il est en train de chercher le Starbucks le plus proche. Parce que le touriste, il veut bien acheter français, mais avec un caramel macchiato à la main. Va comprendre.
Le touriste il se plante sur le passage piéton, l'air penaud, pour t'attendrir et te demander sa direction en baragouinant « Skiouzez moi, je chercher le Louver ». Maudite Joconde !
Toi, ils commencent tous à te taper sur les nerfs avec leur Louvre. A croire qu'il n'y a que ça à voir à Paris.
Bien sûr que tu sais où il est le Louvre, c'est même à une rue à gauche. Mais bien évidemment, tu leur indiques le chemin inverse, poliment, avec le sourire faux-cul-tout-parisien accroché au visage. C'est ta petite vengeance contre tous les autres qui t'énervent à faire la queue chez LADUREE, qui parlent fort dans le métro comme s'ils étaient seuls au monde, et qui ont en plus le culot de sourire parce qu'ils sont contents d'être là ! De SOU-RI-RE, non mais, on aura tout vu !
Et tu leur réponds en français. Oui, tu parles anglais, pas trop mal d'ailleurs, mais là tu n'as pas envie de faire l'effort. De toute façon, ils croient tous qu'on est des quiches en anglais les touristes, alors pourquoi chercher à les contredire ?
Bon d'accord, je vous prends en photo, pas la peine de me faire votre tête de cocker triste. Ça c'était certain, je n'allais pas y couper. Ne bougez pas…..Allez, c'est bon, le cliché est fait ! "Mewci, mewci" - "oui, oui, c'est ça, allez, circulez, y'a rien à voir !"
Très bien écrit, bravo pour l'idée ! J'ai bien ri.
· Il y a plus de 9 ans ·Kokori
drôle...bcp ri! je reviens de paris ,moi la p'tite belge...C'est tout a fait ça...bravo! j'adddddore
· Il y a plus de 9 ans ·branche
Merci pour votre commentaire, ça me fait plaisir que vous ayez ri, mais plus je relis mon texte plus je me dis qu'au final, le plus ridicule des 2 entre le touriste et moi, parisienne d'adoption, n'est pas celui qu'on croit !
· Il y a plus de 9 ans ·marinep
Bien écrit et drôle ! Le portrait parfaitement croqué !
· Il y a plus de 9 ans ·veroniquethery
Merci à vous c'est très gentil !
· Il y a plus de 9 ans ·marinep