L'équilibre des destinées

Pascal Bléval

Texte rédigé en 1h30, avec un thème imposé: "Printemps, Eté, Automne, Hiver".

Ce texte est en lecture intégral sur cette page, au fait.

Bonne lecture !

Vous pouvez aussi lire ce texte ici: http://pascalbleval.wordpress.com/2013/05/02/lequilibre-des-destinees/

Texte:

Revêtu de son armure de guerre, le Roi Armast de Sargosstia s’avance dans le temple des Grands Anciens. Rien ne bouge autour de lui, et les colonnades qui soutiennent le toit du colossal bâtiment semblent monter jusqu’au ciel. Le silence est total, à peine rompu par le claquement des solerets d’Armast sur le sol de pierre.

Enfin, le Roi-Guerrier parvient à l’Autel des Dieux. Vaste table constituée d’un unique bloc de marbre rose, elle défie les lois de la gravité et lévite à quelques centimètres au dessus de l’esplanade.

« Par quel prodige… », murmure Armast en passant sa main gantelée sur la surface de l’Autel.

« Par l’effet de ma volonté toute puissante ! » s’exclame une Voix sépulcrale qui s’abat sur l’homme telle une chape de plomb.

Un grondement sourd s’élève alors et quatre statues de femmes en armure de maille jaillissent de terre, formant un cercle autour d’Armast. Elles tiennent toutes, au creux de leurs mains jointes, une sphère miroitante, vibrante d’une puissance magique phénoménale.

« Contemple, humain, à travers les Orbes de la Destinée, l’avenir de ton Royaume ! » déclare encore la Voix.

Le Roi-Guerrier s’approche de la première des statues. Des flocons de neige recouvrent ses épaulettes et un froid mordant le saisit, tandis qu’il pose sa main sur l’Orbe aux reflets blancs. Soudain, le temple disparait, et il se voit survolant l’immensité du pays dont il est le Roi. Partout, la mort glisse ses doigts glacials. Les champs se recouvrent de givre et les vents pénètrent en hurlant même dans les plus riches demeures. Le bois de chauffage manque, et les loups sortent des forêts en bandes chaque jour plus nombreuses, s’introduisant dans les villes et villages pour se nourrir des corps gelés de leurs habitants.

« Cette voie est celle de l’avènement du mal et de la mort, déclame la Voix. Car tout ce qui vit doit mourir un jour, et parce que sans le mal, il n’est nul bien.

—         Je ne veux pas de cet avenir », réplique Armast en reculant d’un pas.

Il se retrouve à nouveau dans le temple, faisant face aux quatre destinées. Il se tourne vers la seconde d’entre elles, qui rayonne d’une aura verte, et sur laquelle vient de se poser l’ombre d’un oiseau. Armast touche l’Orbe de la statue du bout du doigt, et le temple disparaît une fois encore.

Cette fois-ci, les collines de Sargosstia resplendissent et se couvrent d’une herbe grasse et abondante, tandis que le reste de la végétation croît à une vitesse prodigieuse. Mais bientôt, elles empiètent sur le territoire des humains, et la guerre semble rapidement inéluctable. Les racines jaillissent de terre, étouffant les villageois, détruisant les maisons et les châteaux. Le Royaume n’est plus qu’une vaste forêt dont les arbres craquent et vibrent à l’unisson. Des habitants de Sargosstia, il ne demeure qu’un vague souvenir.

« Cette voie est celle du retour de la domination de la planète par Gaïa, l’âme de la forêt qui fut domptée par tes ancêtres, jadis, explique la Voix. Car toute force provoque l’émergence d’une puissance contraire tout aussi impérieuse.

—         Je ne veux pas davantage de cet avenir pour les miens », déclare Armast en détournant le regard.

Puis, il avance vers la troisième statue. L’air autour de celle-ci semble crépiter, et une fine pellicule noirâtre parsème le dallage à ses pieds. Lorsqu’Armast, hésitant, recouvre l’Orbe de sa paume, tout n’est soudain plus que flammes et destruction sous ses yeux. Les arbres crient avant de partir en fumée, des hordes de barbares s’introduisent dans les fières cités de Sargosstia et brûlent tout sur leur passage, ne laissant derrière elles que ruines et cendres.

« Cette voie est celle du chaos, de la mort violente. Car l’humanité souffre de cette volonté de destruction qui couve en son sein et ne demande qu’à éclore à la moindre occasion.

—         Je ne saurais désirer pareil destinée pour mon peuple ! » s’écrie Armast de sa puissante Voix.

Devant lui se dresse la dernière des statues. Elle se lézarde peu à peu sous ses yeux, et son bras menace de s’écrouler à chaque instant. Armast se décide finalement et il pose ses deux mains sur l’Orbe magique. Au début, il lui semble qu’il ne se passe rien. Que son peuple, s’il choisit cette voie, ne souffrira pas de mille morts. Les villes résonnent des rires des enfants, les commerçants crient leurs boniments à qui veut bien les croire, les navires croisent au large, apportant dans leurs soutes les marchandises en provenance de l’Orient ou de l’Occident. Mais peu à peu, le jour laisse place au crépuscule. Les habitants se fanent et se courbent tandis que les maisons tombent en ruine et sont, une à une, laissées à l’abandon. Les tours des châteaux s’écroulent une à une, sapées par le travail du temps. La vie, qui animait un peuple tout entier, s’écoule lentement pour ne pas revenir.

« Cette voie est le symbole de la lente chute d’un peuple. Grandeur et décadence sont l’alpha et l’oméga des peuples humains. Il en sera toujours ainsi, car je l’ai décidé en des temps immémoriaux. À présent est venu le temps du choix. Armast, Roi-Guerrier de Sargosstia, tu dois décider de l’Avenir de ton pays. Quelle est ta réponse ?

—         Je ne vois là que promesse de mort et de ruines, et rien de tout cela ne m’agrée ! Voix, je te défie de m’obliger à faire un tel choix !

—         Il doit pourtant en être ainsi. Dans le cas contraire, c’est à tous ces destins réunis que seront confrontés les tiens, Roi Armast. Est-ce donc ce que tu souhaites ? »

Sans répondre, Armast tire son épée. Puis, d’un unique coup de taille, tournant sur lui-même en un cercle parfait, il détruit une à une chacune des Orbes magiques. Leurs échardes de verre tombent au sol dans un bruit cristallin à la limite de l’audible. À la fin de son geste, Armast se fige. Ses yeux cessent de cligner et son souffle ne s’échappe plus de ses poumons. Son cœur arrête de battre et sa peau prend la teinte grise d’une statue.

« Tu as choisi le néant pour toi-même et pour ton peuple, déclame alors la Voix. La mise en stase de toute réalité… La fin du temps et de tout mouvement… Jusqu’à ce qu’un jour, un nouveau Roi-Guerrier venu d’un autre pays s’avance et restaure l’équilibre que tu viens de rompre. Ainsi soit-il. »

À cet instant, à travers tout le Royaume, un puissant vent magique recouvre les champs et les villes de Sargosstia. Et à son contact, les gens, les animaux, les arbres, l’herbe même se figent, prennent la pose, comme autant de statues.

Seul reste le silence.

  • C'est très gentil, Woody, merci !!!

    · Il y a presque 11 ans ·
    Endrean le siak   par gwladys guilbert   01 2013 92

    Pascal Bléval

  • en quelques page fortes et vivantes tu nous emmènes dans ton Univers, un univers que j'adore ... à la fois intemporel et fantastique...! bravo, belles envolées, on en voudrait 500 pages ...

    · Il y a presque 11 ans ·
    Img 5684

    woody

  • @Françoise: merci infiniment. :)

    @Hélène: idem, merci infiniment. :) :) :)

    · Il y a presque 11 ans ·
    Endrean le siak   par gwladys guilbert   01 2013 92

    Pascal Bléval

  • Bonsoir à tous ! Merci beaucoup de m'avoir lu et apprécié !!!
    @Yoda: en l'occurence, ce n'est pas la fin du monde, il devient juste "figé" jusqu'à l'arrivée d'un roi qui, lui, fera le bon choix. Car il y en a un, de bon choix ! Lequel, d'après vous?

    · Il y a presque 11 ans ·
    Endrean le siak   par gwladys guilbert   01 2013 92

    Pascal Bléval

  • J'aime beaucoup l'ambiance de ce texte et cette façon d'écrire sous la forme de parabole. Merci pour ce moment divin.

    · Il y a presque 11 ans ·
    1624124869 500

    Françoise Grenier Droesch

  • Impressionnant! Il me semble entendre la voix de Zeus. Dans tous les cas de figure, la fin de la terre est annoncée puisque le bel astre solaire explosera dans de grandes gerbes de feux qui la réduira en poussière, car...

    · Il y a presque 11 ans ·
    Yoda 24 04 09 002 92

    yoda

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