Les anciens

Hervé Lénervé

Après les vieux, les anciens. On distingue le vieux de l'ancien par son cri. Le vieux gagatte, alors que l'ancien radote.

Il incombe aux anciens, la lourde charge de transmettre leur expérience aux plus jeunes.

- Mange, mon p'tit gars, c'est bon ça, pour la santé, c'est naturel.

- Les champignons aussi, pépé ?

- Oui, enfin non, la dernière fois, j'm'as gouré de couleur. Autrement maintenant que t'es presque plus grand que moi, il faut que je te parle de l'Amour.

- Laisse tomber pépé, j'ai déjà fait.

- C'est vrai que vous êtes plus précoces, les jeunes, que d'mon temps, à c't'heure, mais à huit ans, quand même, putain ! Et avec sa mère. Bon, de toute façon, je ne te parlais pas de faire l'amour, je te parle de l'Amour, le vrai, le grand, l'unique. Il est rare, mon pti'gars, presque improbable, pour les probabilités statistiques. Il demande la rencontre de deux contemporains, vivant dans le même temps, de deux pays, habitant dans le même lieu. Puis ces inconnus, vont tomber amoureux réciproquement et vice verso, recto-versa. C'est rare !

Mais je sais déjà tout ça, pépé. La passion qui renverse toutes nos habitudes, tous nos préjugés, sur son passage. La passion, qui dévore nos chairs. La passion, qui bouscule toutes nos connaissances. La passion, qui chahute la raison et nous rend obsédés, liés à notre objet d'amour. La passion qui ne passe pas inaperçus, sur son passage.

Oui, plus précoses les gosses aujourd'hui. Bon, alors, j'vas te parler, mon p'tit gars, du planté du bâton dans les labours, toute une technique, une vie pour l'apprendre.

Laisse tomber, pépé, j'ai déjà vu le film.

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