Les bêtises de Sabine

Lolita Denoual

Je suis rentré dans son appart, fermant la porte d'un coup de pied car mes mains étaient encombrées par les courses. Je lui réservais une surprise pour son anniversaire, le pauvre chéri était en train de bosser mais quand il reviendrait, un bon petit plat l'attendrait. J'avais même fait une razzia chez Victoria's Secrets, je rougis en pensant à la lingerie sexy cachée sous mon ensemble Gab. Mon Victor me reprochait parfois de ne pas être assez audacieuse mais j'étais résolue à lui prouver le contraire. Chantonnant, je posais les achats sur le plan de travail et commençais à fouiller dans les ustensiles mais quand j'eus besoin de l'allume gaz pour mettre le four à préchauffer, impossible de mettre la main dessus... Mer... credi ! Ce grand dadais avait dû encore s'en servir comme briquet. Ne le trouvant nul part, je me dirigeais a grand pas vers la chambre...

_ Oh oui ! Oui ! Oui !

Je fus comme foudroyée par la vision de cauchemar que je pouvais apercevoir par la porte entrouverte. D'abord, ce que je ressentis c'est de l'incrédulité, ce n'était pas possible, ce n'était pas lui et une vague de souffrance me fit vaciller, je m'aggripai au mur. Toute ma vie, nos projets, l'espoir de fonder une famille avec lui, tout s'écroula comme un château de cartes. Plus que l'homme, c'était ce qu'il représentait. Trois années perdues et l'horloge biologique qui avançait... Puis une bouffée d'orgueil mis fin à cet instant de découragement, mes ongles vernis de rose se crisperent sur la tapisserie rayée. Me faire ça ! À moi ! Et avec une... une gourgandine. Ne valait je pas mieux que ça ? N'avais je pas investi tout mon être dans cette relation? Supportant de voir en boucle  La Guerre des étoiles, allant l'encourager quand il jouait au foot, lui faisant ses plats préférés, prenant soin de lui quand il avait trop bu. Ce mec incapable de se retenir de roter au restaurant, qui ne savait même pas nouer une cravate correctement, ce petit employé de bureau à deux balles, je valais bien mieux que ça ! Rendez moi mon temps perdu ! Je me sentis révoltée contre cette trahison inacceptable. C'était comme une décharge d'adrénaline, la fureur m'emplissant à ras bord,  une véritable catastrophe naturelle ! Les eaux bouillonnantes emportant avec fracas vingt-huit ans de réserve et de bonne éducation. Tous mes barrages sauterent.C'était comme si je devenais quelqu'un d'autre, non c'était comme si je devenais moi, la Sabine enfouis sous tout ce verni sophistiqué et Dieu que ça faisait du bien ! C'était comme si je faisait soudain trois mètres de haut, comme si je n'avais aucune limite. Alors c'était comme ça... ? C'était ça le dossier ennuyeux sur lequel il devait travailler tard ? Il s'était bien fichu de ma poire ! Ah c'est sûr la voisine était audacieuse ! Si on pouvait appeler cela la manière dont elle dressait le popotin tandis qu'il la pilonait par derrière... Excusez moi de ne pas avoir un symbole tribal pointé vers la raie des fes.... du cul ! Fini la politesse, son gros cul plein de cellulite, elle avait donc besoin d'une flèche pour indiquer l'endroit où elle avait le feu ? À cet instant quelque chose craqua en moi, j'eus un sourire un peu fou en remarquant la clé glissée dans la serrure de la chambre... Sans un bruit, je la tournais doucement. Et tandis que dans ma tête résonnait la chanson de mon homonyme, je me dirigeais tranquillement vers sa collection de figurines Star Wars, arrachant avec un plaisir sadique la tête de son Dark Vador édition limitée... Un peu plus tard, laissant derrière moi une véritable hécatombe, je franchis de nouveau la porte d'entrée... Descendant tranquillement les escaliers, je saluais les pompiers qui grimpaient au pas de course au son de l'alarme incendie. Le nez emplis d'une écoeurante odeur de plastique brûlé, je les laissait sauver Skywalker et compagnie de la bouche brûlante du four, les imaginant surgir brusquement dans la chambre pour interrompre la petite sauterie de mon cher ex fiancé. Jetant ma bague dans un égout, je marchais dans la rue d'une démarche sautillante tout en défaisant quelques boutons de mon chemisier... Merci Victor, grâce à toi je me sens vraiment libérée.

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