Les boites

Glose

SYNOPSIS

En plein désert, une jeune femme se retrouve nez à nez avec une pin-up lui ordonnant d’exaucer un vœu. Incapable de formuler le moindre souhait, elle est mise au défi de retrouver des boites dans une grotte. N’ayant pas le choix, elle se met à la tâche pour sortir de ce cauchemar au plus vite. Mais que va-t-elle y découvrir ?

Il était une fois la rencontre improbable entre Cendrillon, La belle au bois dormant et la petite fille aux allumettes. Ou comment le roman d'apprentissage et le conte philosophique font échos aux préoccupations féminines d'aujourd'hui.

DEBUT DU LIVRE

INTRO

Soleil de plomb. Des personnes attendent nerveusement sur des bancs décatis.

Impatience. Des chuchotements tournent rapidement au bourdonnement sourd, même les mouches n’arrivent plus à se faire entendre.

La tension est palpable dans l’assemblée. Les gens se retournent, s’agitent, captifs au moindre mouvement qui mettrait fin à cette attente étouffante.

– Qu’est-ce qui se passe ? demande une vieille dame au chapeau pyramidal.

– Je ne sais pas.

– Mais qu’est-ce qu’on attend ? s’impatiente une autre habillée en laitue.

Quatre jeunes femmes, assises l’une à côté de l’autre, semblent ne pas se sentir concernées par le trouble ambiant. La fashionista s’enduit de gloss tout en parcourant une revue fort imagée. Sa voisine plisse les yeux devant chaque interférence colorée. La troisième caresse ses ongles coquelicot. Et la dernière, un charmant clone de Chantal Thomass, lève les yeux au ciel tout en rejetant des volutes de fumée.

Un individu - la cinquantaine - arrive en courant. En sueur, il essaye de reprendre son souffle. Toute l’assistance est pendue à ses lèvres.

– Où est Harmonie ? lui lance un jeune adulte en costume trois pièces.

L’homme éclate en sanglot.

– Je ne sais pas. Je n’arrive pas à joindre sa mère.

– Ce n’est pas possible ! Elle doit bien être quelque part dans ce fichu manoir !

– Je ne crois pas. Elle a disparu, souffle-t-il effondré.

– Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?

– Un morceau de sa robe accroché à la fenêtre. 

– Mais qu’est-ce que cela veut dire ?

– Je ne sais pas Constant.

– Bon sang ! Mais qu’est-ce qu’elle fout Harmonie ?

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 CHAPITRE I - Un vœu

Le désert…

Des étendues de sable à perte de vue, une rosée matinale furtive, un ciel vif insolent. Éparpillés et lascifs, des corps osseux recouvrent son ardente nudité. Malgré l’infertilité du domaine, l’alizé féconde son air de jeu d’arabesques et de dunes ombrées. Audacieux, il brise la quiétude du lieu, souffle des éclats de vie aux particules les plus inertes, caresse les éléments de ses torrides bouffées. La petite faune ambiante se couvre pour échapper à ses assauts désordonnés et fiévreux. Chargé de poussière, il aveugle ceux qui se dressent contre lui. Un vautour tournoie autour d’une curieuse entrevue. 

Assise sur un damier géant tracé sur le sable, teinté en jaune et noir, une jeune femme bouleversée semble être mise en échec. Face à elle, une belle ténébreuse. La jeune femme à terre fixe le visage de celle qui la domine, envoûtée par ses immenses yeux cérulés. Paralysée par leur intensité, elle se raidit. Seuls ses cheveux sont balayés par le souffle. Les rayons luminescents éblouissent son visage malgré la paume de sa main qui lui sert de visière. Ses souvenirs sont flous : elle ignore la raison de sa présence sur ces terres arides. Elle se rend compte qu’il lui est difficile de comprendre. Mais le veut-elle vraiment ? La réponse coule sur ses lèvres. Captivée par la présence étrangère, elle se sent volontairement prise au piège, disposée à obéir. Tout semble figé, mis à part les mouvements d’air qui se faufilent entre les deux silhouettes. Malgré l’incongruité de la situation, elle n’éprouve aucune peur. De légères décharges anéantissent la naissance d’un frisson. On l’empêche de ressentir. Son regard ne peut se détacher de la mystérieuse dominatrice même si l’appel du désert résonne. Elle prend appui sur le sol. Ses mains ne tardent pas à se couvrir de sable chaud. Sa captivité prend de multiples formes. Dans l’impossibilité d’esquisser le moindre geste de fuite, elle attend que la volonté de sa geôlière s’exprime. Coiffée d’une volière à dentelle noire, elle est habillée d’un tailleur gris, et d’une chemise blanche qu’elle porte avec une aisance aristocratique. Ses cheveux noirs, impeccables, droits, bombés et recourbés sur les pointes sont retenus par un léger filet. Ils se balancent à la façon d’un métronome. Avec élégance et grâce, elle serpente sur le sable.

La chemise légèrement ouverte, Harmonie décèle le début d’un tatouage sur une peau laiteuse. Victoria s’arrête et titille son pendentif. Le reflet du bijou aveugle Harmonie qui dissimule aussitôt son visage de sa main droite. La brune pulpeuse fronce un sourcil et affiche une moue boudeuse, calquée sur les mimiques des pin-up des années 50.

–  Dévisager une personne est impoli.

– Je…

– Répondre est insolent.

Harmonie ne pipe mot, subjuguée par la voix suave qu’elle vient pour la première fois d’entendre. Victoria scrute les frusques de la jeune femme : un corset blanc, un jupon en tulle taillé en lambeaux salis par ce qui semble être de la poussière, et des bas blancs. Toutes les deux offrent aux terres dénudées une garde-robe en parfait désaccord avec leur environnement. Magnifiques et pathétiques à la fois, elles se dressent en délices d’inepties sur ce plateau désertique.

– Quel est ton vœu ma chère ?

– Euh…

– Chut. Laisse-moi deviner… ça fait si longtemps que je n’ai pas joué.

Harmonie la détaille, estomaquée par sa belle irrévérence.

– La richesse ?

– Je…

– Non, trop cliché.

Les deux jeunes femmes interrogent leurs voix intimes. L’une semble concentrée sur ses dons approximatifs de médium, l’autre semble perdue face cette situation burlesque. Que fait-elle ici ? Elle n’arrive pas à se souvenir, sa tête lui fait mal. Harmonie palpe son front, Victoria se gratte le menton. Se jaugeant mutuellement, elles s’arrêtent net face au mimétisme de leurs gestes.

– L’increvable Prince charmant ?

– Non, je…

– Amour, gloire et beauté ?

Harmonie remue ses lèvres, semble balbutier.

– Dis-moi, au lieu de me faire mariner, demande-t-elle tout en se limant les ongles.

– Je n’ai pas de vœu.

La sentence tombe comme un couperet. Victoria, désarmée, laisse échapper sa lime sur le sol. Nul ne lui avait répondu ainsi. Décontenancée, elle secoue la tête comme si elle avait mal entendu.

– Tu peux répéter ?

– Je n’ai aucun souhait.

Victoria fait les cent pas avant de se ruer sur Harmonie.

– Impossible… Tu dois bien avoir un vœu tapi au plus profond de ton inconscient ?

Harmonie balance la tête négativement.

– Mais alors… pourquoi es-tu là ? interroge Victoria.

Harmonie prend une grande inspiration et hausse les épaules.

– Ah ça… j’aimerais bien le savoir.

– Comment ça tu ne … je n’apparais pas comme ça !

– Mais qui êtes-vous donc ?

– Tu n’en as aucune idée ?

Ayant perdu de sa superbe, Victoria s’assied, un poing posé contre sa joue et une main maintenant son coude. Cette femme aux allures de Jackie Kennedy, se retrouve en quelques minutes dans la peau d’une midinette vexée. Elle toise sa voisine d’un air hautain. Le chevauchement rapide de ses phalanges parcourant sa joue accentue son attente exaspérée.

– J’essaye… vraiment … Mais j’ai tout ce dont je rêve.

– Tout ce dont tu rêves… intéressant…, marmonne Victoria. Qu’est-ce qui te rend si heureuse à en être béate ?

Harmonie répond sans se soucier du ton méprisant.

– J’ai tout. Je suis même fiancée, dit-elle en lui montrant sa bague de fiançailles.

– Ah…

Un long silence s’installe avant qu’Harmonie se manifeste.

– Mais où suis-je ? Vous ne pouvez pas me répondre ?

–  Tu n’as pas frotté une lampe par hasard ?

– Je ne comprends pas…

Devant l’expression de la jeune femme, Victoria se radoucit.

– Imaginons que par un quelconque sortilège tu as oublié ce qui t’amène.

– Je ne comprends rien…, s’exclame Harmonie.

– Décidément, le bonheur rend stupide.

Harmonie la dévisage irritée.

– J’ai envie de m’amuser. Pas toi ?

– Non.

– Tu ne veux pas t’amuser ?

– Non.

– Mais si.

– Mais non.

– Mais si.

– Mais non.

– Mais si ! répète Victoria en frappant du pied.

– Mais non, insiste Harmonie.

– Tu veux rentrer chez toi ?

– Oui.

– Tu peux répéter ?

– Je veux rentrer chez moi.

– Non, après.

– Je n’ai rien dit après.

– Si. En trois lettres.

– Rien.

– Non ! Le contraire de non ? C’est…

– Oui ?

– Oui, voilà, c’est ça. Tu peux répéter ?

– Oui

– Non plus fort, je suis sourde.

– Oui ! hurle Harmonie.

– Ah ben voilà, tout ça manquait un peu de conviction.

– Et ça m’amène à quoi ?

– Tu viens de réaliser ton premier vœu.

– Comment ça ? s’étrangle-t-elle étonnée.

Alea jacta est.

– Quoi ?

– Tu as souhaité me divertir, rappelle-toi. Je l’avoue, ce n’est pas très personnel mais chacune y trouvera son compte. Crois-moi...

 Harmonie frissonne. A cet instant, elle sent quelque chose fondre en elle et se répandre sur le sol. Sa propre confiance peut-être…

  • J'espère que vous trouverez un illustrateur à la hauteur de votre talent pour ce roman (j'ai vu sur votre blog que vous en cherchiez un). Le rapport image/texte me paraît fondamental dans votre approche de l'écriture à tel point que l'on ne sait plus si ce sont les mots qui "illustrent" les images ou l'inverse. En tous cas, je suis content que mon commentaire vous ait donné envie de reprendre votre travail sur "Les Boîtes". Les blogs sont un "signe des temps". Ils ont renvoyés les journaux et carnets intimes aux oubliettes, modifiant profondément le rapport entre intimité et publicité, mais je crois que le roman reste encore le territoire le plus extrême de l'expérience littéraire.

    · Il y a presque 13 ans ·
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    saint-james

  • . A croire que les filles préfèrent s'épancher sur de la pure chick-litt, ce genre littéraire assez néo-harlequin au final, bien qu’il mériterait d'être mieux exploité surtout pour son second degré et son humour. Mais pour l'instant, une certaine culture "shopping" s’impose pour comprendre les problématiques et les enjeux soulevés par une intrigue chick-litt :)
    Bref, votre intervention me donne envie de m'occuper à nouveau du roman, car j'avoue l'avoir "laissé de côté". Je suis plus enclin à ce jour à explorer une nouvelle forme d'écriture et d'expression (pour moi) sur mon blog. Mais aussi à le rendre de plus de plus en visible, et c'est pas mal de travail. Mais peut être que ceci rejaillira sur une publication du roman, qui sait ? Et là, vous aurez le plaisir de découvrir cet ovni !
    Merci pour la référence, je ne manquerais pas d'y jeter un œil, voire plus :)

    · Il y a presque 13 ans ·
    13 orig

    Glose

  • Bonjour Saint-James !
    Je suis particulièrement touchée par cet élogieux commentaire auquel je ne m'attendais pas du tout :)
    Vous avez bien résumé l'esprit du livre sans l'avoir lu ! J'avoue qu'il est plus adressé aux nanas même si paradoxalement ce sont des amis hommes qui m'ont faites les meilleures analyses et autres remarques subtiles.

    · Il y a presque 13 ans ·
    13 orig

    Glose

  • "Décalée" c'est le moins qu'on puisse dire... On est plus proche du conte "défait" que de la comédie sentimentale. Tant mieux. Je viens de lire la chronique "Pourquoi la vie de célibattante est un festival ?" (qui est excellente !) sur votre blog . J'adore les photos qui illustrent votre texte. J'espère que je pourrai très prochainement découvrir la suite de cet OVNI romanesque intitulé "Les Boîtes"... Vous avez un univers baroque et délirant qui me plaît beaucoup et qui correspond bien à la ligne éditoriale défendue par les éditions Au Diable Vauvert (lisez "Maul" de Tricia Sullivan et la critique des Inrocks publiée le 17-04-11).

    · Il y a presque 13 ans ·
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    saint-james

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