Les deux vieux

Hervé Lénervé

En fait, ils sont trois, comme les trois mousquetaires.

Sur le banc d'une place de marché, sans marché, on est lundi, trois vieux discutent.

Le chat, ça mange du poisson, non ? Le mien, il est mort étranglé avec une arête.

M'en parle pas, mon chien, le mien, il est mort étranglé avec une pantoufle. Pourtant, le chien, ça aime apporter les pantoufles à son maître, non ? D'ailleurs, on n'en prend que pour ça.

Les enfants, ça aiment les sucettes, non ?

Moi, j'avais une ferme, avant. De l'élevage ! 2000 têtes, enfin 2000 bêtes.

Des têtes de bêtes de quoi ?

D'escargots. Des Bourgognes, les gros, ceux qui bavent gras. Tous morts d'un coup ! Etranglés avec des locomotives. Oui ! L'escargot à plus d'oeil que de ventre, c'est connu.

Moi, j'avais une femme, avant. Une belle femme, séduisante, cultivée, créative...

Elle aimait les sucettes ?

On sait, emportée par le cancer.

Non, le charcutier.

Moi, j'avais une famille, avant. Une belle famille, de beaux enfants, une belle maman sans belle-mère (décédée, de mort naturelle), de l'argent en veux-tu, en voilà, t'en veux même plus...

Et mon histoire de sucettes, elle ne vous intéresse pas ?

Non, les histoires à la guimauve en happy end ne sont pas intéressantes « Les gens heureux me font chier ! » Reiser.

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