les faux seins (extrait d'un recueil)

le-teton-lunaire

Satan. L’inscription brave la façade du commissariat. Un flic, poitrine gonflée à bloc, part en reconnaissance. Rien. Aucune trace de suspect. Trois ans avant : Nick improvise une danse, au bord de sa tête règne une colonie de femmes : douceur de peau, beauté des lignes. Si j’étais à leur place je me caresserais à longueur de journée. La phrase marque son esprit et ceux de milliers d’hommes. L’obsession grandit. Lui, seul, imbibé, accède le premier au fantasme. Complice un docteur ès chirurgie. Peau tendue, tétons qui pointent, un matin surgit son 90 C. La prothèse surprend, dérange et finit par convaincre. Des cercles se forment, d’abord confidentiels. Un artiste en vogue ose le coming-out, sur scène dévoile son décolleté. Une nouvelle génération d’hommes s’éveille. Le désir se verticalise. Les tout-en-un  finissent par être plus nombreux, revendiquent l'onanisme. Se suffire à soi-même. Les coïts se font rares, les naissances diminuent. La beauté, l’apparence perdent de leur importance. Dans le métro Nick se caresse longuement, main sous le tee-shirt, c’est toléré, ça donne envie, d’autres suivent le mouvement. Les hommes  comparent la taille de leurs nichons. Les femmes, elles, se radicalisent, cultivent la part de masculin. Un ingénieur décide de joindre l’utile à l’agréable, invente des poches pratiques où ranger toutes sortes d'accessoires. Fermeture zippée, boutons pressions, la mode s’empare du phénomène. Excès, dérives. Le monde croule et les corps se déforment. Les pays légifèrent. Délits, crimes, médecins foireux, femmes kamikazes. Les seins continuent de jaillir sur l’abdomen des hommes. La société gangrène. L’axe de gravité se modifie, les corps ploient sous la lourdeur. La génétique s’en mêle. L’évolution ne sait que faire de ces changements. Le monde court à sa perte.

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