Les insectes sont nos extraterrestres à nous.

En général, mon capitaine, nous n'avons guère d'affinités avec les insectes. Les projections sont limitées. Ils sont si loin du petit lapin, du jaune poussin, du doux agneau pour s'en émouvoir et même pour les manger. Ils ne sont qu'objets d'études, du vivant sans anthropomorphisme à la clef. On observe leur déplacement ? Quelle motivation entraîne la fourmi dans ses déambulations anarchiques, tantôt à droite, tantôt à gauche, qui la mène ainsi ? A refaire le chemin qu'elle a déjà fait dans un sens puis dans l'autre, elle y serait encore si mon poing n'y avait pas mis un point d'arrêt. Des combats à mort, gladiateurs « carapacés », robot lobotomisés, lutant jusqu'à plus vie. Pour nous, ils ne ressentent ni peur, ni douleur, on les écrase par inadvertance, par indifférence et on les regarde gesticuler dans leur agonie dérisoire. Bref, peu d'empathie ne va à l'insecte, ils sont trop loin de notre fonctionnement pour s'en apitoyer. Ce sont des extraterrestres. Quelques un attirent, tout au plus, une certaine mansuétude de notre part ; la coccinelle par sa forme hémisphérique et ses couleurs vives, nous est sympathiques. D'autres focalisent nos frayeurs ; l'araignée velue perchée sur ses pattes gigantesques rejoint les cauchemars de nos nuits cafardeuses.

Dans ce Monde sans pitié, que pourrait être la pitié dans une tête d'insecte sans cerveau, juste un système nerveux ? Dans cette jungle de la loi du plus fort, la loi de celui qui continue à vivre, je vais m'arrêter sur l'un en particulier.

Le lucane.

Cours élémentaire d'entomologie

Le lucane, comme me l'apprend Wikipédia est un coléoptère, souvent confondu avec un hélicoptère qui est une machine, lui. Le mâle est le plus gros des coléoptères d'Europe. Attention il peut voler, même s'il ne vole pas très haut. Hé ! Ce n'est qu'un insecte, quand même ! Il vole à la verticale, le con ! A-t-on idée ? Néanmoins tout verticale soit-il, s'il vous arrive en pleine poire, vous allez être surpris par sa taille allant jusqu'à 75 mm pour le mâle. Généralement, c'est l'homme qui part en courant et en criant aussi, que crie-t-il au juste, l'homme ? Mieux vaut ne pas trop l'ébruiter, ce n'est pas très glorieux. Le lucane, lui, essaie de se remettre sur pattes après sa collision avec une montagne. Il est sympa cet insecte et hachement pratique, car il peut changer ses outils. Il met des mandibules énormes et c'est un lucane cerf-volant, avec celui-là on peut décapsuler nos bouteilles de bière. Il se change derrière un paravent de pissenlits, il adapte une grosse corne et devient lucane rhinocéros, pratique cet autre, pour se curer les ongles ou se déboucher les oreilles. Il a bien d'autres utilisations encore, ne serait-ce que celle de faire une bonne plaisanterie, en le glissant dans le lit de votre sœur par exemple, comme ça, pour rire. Vous vous posiez la question de savoir pourquoi ma sœur ne me parlait plus depuis vingt ans ? Vous savez, maintenant ! Elle est très rancunière, oui, oui ! Je sais, ah, ces filles ! Elles nous feront toujours rire, quand elles ne nous font pas pleurer, bien sûr, mais là, c'est une autre histoire. Le lucane voit son Monde à travers son prisme d'insecte, si vous ne savez pas voir en insecte, cela va être difficile à traduire, disons que le lucane voit tout en noir dans son petit bout de lorgnette, sa petite lucarne. (Hé oui ! Il fallait bien s'attendre à ce que je la fasse celle-là, à un moment ou un autre, comme ça, c'est fait, on est tranquille.) Il broie du noir le lucane, il a le bourdon en permanence et le cafard le reste du temps. Pour sûr, il n'est pas très gai avec son caparaçon sombre et triste comme un curé en soutane arpentant les ruelles boueuses de son village à la recherche désespérée de quelques âmes à détourner, fin de la comparaison. On le voit passé rancunier, le lucane, plus le curé, aller prêcher dans le fossé, la mauvaise parole à ses congénères, en les atomisant de sermons à coup de mandibules létales. Aucun ne lui résiste, dans son domaine, à par le bousier bulldozer qui est un autre têtu de première, celui-là, butté comme une belle-mère. Vous voyez, même dans leur monde parallèle, on est encore capable de faire des comparaisons avec le nôtre, mais n'oublions pas que les insectes sont nos extraterrestres !