Les ors y sont funèbres

Mircea Perb

« Adieu, mon ami… Je t’aime. »

« Amusant comme la vie reprend sans vergogne, en-dehors de toute considération juridique acceptable, ce qu’elle n’a loué qu’un instant. Quelques années, du moins. Un bail qui lui a permis de naître – à Lyon, c’est ça ? Fin des années 80, je crois. De grandir, de mûrir, de se marier, de pondre un œuf… Un œuf, bien rond, bien plein, histoire de plaire à sa nana, une fille assez simple, plutôt sympa. Mais portée sur la boisson, non ? »

« Bon débarras. Ce mec était un casse-bonbons de première catégorie, doublé d’une enflure notoire qui n’a jamais été capable de tenir ses engagements. Quand je pense qu’il s’est tapé Pauline… Je rends, putain, je rends ! Il se l’est tapée, cette conne ! Il se l’est tapée ! Bon sang ! Il l’a saillie comme une jument dans son box… Sauf que ce box, c’était mon canap’. Et la jument ? Ma gonzesse. Bon débarras. »

« Injuste. Injuste. Injuste. Son énergie, sa volonté… Son sourire, jusque dans les moments les plus durs. Sa foi inhumaine en la vie… « J’accepte la douleur ; la douleur est la vie. Et la vie est magique. » Son courage, mon Dieu… Capable de te remonter le moral sur son lit d’hôpital, d’une simple caresse de ses grands yeux verts sans sourcils, ni cheveux. De te prendre dans ses bras, de te serrer très fort et de te chuchoter : ne pleure pas, ma belle… »

« Je ne le méprisais pas. Je ne peux pas non plus dire que je n’avais aucun respect pour lui. Je le respectais en tant qu’être vivant. Je respectais l’animal. Mais l’homme… Non. Il voulait être écrivain. Tu parles… Imbécile qui n’a jamais pu supporter l’effort d’y parvenir. L’effort de vivre, en somme. Un incapable léthargique. Bête, tout simplement. Un pauvre illusionniste, qui a fini par croire à ses tours de passe-passe. Pitoyable. Je ne respecte pas le pitoyable. »

« Tu m’as dit, un soir d’une beauté qu’on adore, où l’on embrasse l’espace et l’horizon, tu m’as dit : « Je suis un salaud. L’homme est un salaud. Mais oublie le dégoût… Celui à qui l’on a peu à pardonner montre bien peu d’amour. Salaud ou pas, j’ai en moi une bonté que mes crasses n’ont jamais pu couvrir. Cette bonté, elle est là. Par elle, jamais je ne t’abandonnerai. » Tu ne m’as pas abandonné. »

« Maintenant qu’il est tout froid… Je peux me taper sa veuve ? Sa veuve… Drôle. »

Et ils sont là, rassemblés autour de mon cercueil. A chialer ou faire semblant. Je préfère mourir plutôt que d’entendre ces conneries.

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