Les petites manœuvres

Hervé Lénervé

A l’entrainement de leur troupe, deux sous-officiers discutent stratégie militaire.

-         Soldats, à mon commandement. Tuez !

-         Ah tu dis, tuer, pour tirer, toi ?

-         Oui ! Tirer, c'est souvent à côté, tuer, moins !

-         C'est pas faux ! Puis c'est plus impliquant.

-         Bien sûr, le langage a été appauvri et dénaturé par tous ces poètes efféminés, ces gonzesses en tutu d'opéra, oui !

-         C'est vrai ! Ils nous parlent de « la fleur au fusil ». Faut vraiment, être débile, pour prendre un fusil d'assaut HK 416 pour un vase, non ?

-         Et « Ô temps, suspend ton vol à la tire » c'est nul ! Tous les poètes sont antimilitaristes. On devrait les fusiller pour leur apprendre la poésie.

-         La Marseillaise, tiens, ça c'est de la poésie ! « Qu'un sang impur abreuve nos sillons ». Ça vous file la chair de poule, ça ! Moi, si je n'étais pas un guerrier viril aguerri,  quand j'entends ce passage, j'en pleurerais presque.

-         Pour sûr, ça vaut bien du Ronsard rasoir de pré.

-         Remarque, les expressions populaires, c'n'est guère mieux. Par exemple ; « tirer un coup », c'est pour faire l'amour, alors que c'est pour faire la guerre, normalement.

-         Tu as « tuer le temps », aussi. Comme si le temps, qui passe, pouvait se tuer, dans le dos, comme l'ennemi fuyard qui détale en courant, le couard !

-         Mon adjudant ! Je me suis tiré une balle dans le pied et j'ai mal au pied !

-         Voilà, avec vos expressions populaires à la con, aussi, l'accident arrive. C'est bien fait pour toi, soldat ! Allez, corvée de chiottes !

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