Les Prostowniki

Chris D

LES PROSTOWNIKI
Krajenka en Pologne
Le vase en cristal se brisa sur le vieux carrelage mosaïque. Les deux fillettes, tétanisées, regardaient les éclats avec stupeur. Parfaitement consciente de la colère qu’allait engendrer cet accident, Helena tenta de convaincre son amie.
-Anna,dis que c’est toi qui l’a fait tomber! Ma mère sera moins fâchée.
L’autre petite,la regarda d’un air contrit:-Mais,Helena,je n’étais même pas tout près.
-Mais ça, personne ne le sait! Et puis, je croyais que tu aimais bien venir chez moi? L’air confus que prît la petite fit comprendre à Helena qu’elle éviterait la punition pour son dixième anniversaire. Merci,Anna! Tu es une amie pour moi!
 Elle s’empressa de l’embrasser. Elle aperçut sa grand-mère,la main sur la poignée de la porte,prête à entrer. Elle croisa le regard de la vieille femme et comprit que celle-ci avait assisté à la scène. Sans se départir de son assurance, un sourire de totale innocence se dessina sur son visage.

Le soir,alors que sa grand-mère la bordait,Helena boudait.
-Pourquoi l’as-tu dit à maman?
-Ma chérie, as-tu déjà entendu le nom « Prostowniki »?
La fillette, toujours fâchée, leva les yeux d’un air curieux.
-Non!
- C’est le nom que portent deux frères. Dans mon village natal, les anciens nous contaient leur histoire. Nous n’y accordions pas une réelle importance mais mon grand-père nous mettait en garde car lui,y croyait. D’après le récit,lorsque quelqu’un commettait une faute,il avait un an plus tard,la visite de deux hommes. Ils tuaient le fauteur dans d’atroces circonstances. Ayant expiré son dernier souffle,il se réveillait alors un an auparavant! Au moment de sa faute! Avec tous ses souvenirs ignobles en mémoire! Malgré cela,il était obligé de refaire les mêmes choix,comme un pantin! Et,le jour de la visite des « Prostowniki »,le pauvre pantin,obligé de les accueillir,revivait sa mort à l’infini,d’année en année.
-C’est impossible que ça se passe!
La vieille dame remonta le drap sur ses épaules en soupirant.
-C’est exactement ce que nous répondions tous! Mais je t’assure que ton arrière-arrière-grand-père a toujours mené une vie de droiture et pour rien au monde,il ne s’en serait écarté.

10 ANS PLUS TARD (France)
Helena réajusta sa robe bustier. Elle vérifia son maquillage et repositionna deux ou trois mèches.Satisfaite de son reflet,elle mit sa pochette sous son bras. La porte du boudoir s’ouvrit et une panthère noire fit son apparition. Dans ce déguisement, Nicole paraissait encore plus mince et son égo,déjà nettement supérieur à la moyenne,n’en était que renforcé!
-Oh, Helena!Elle la toisa de la tête aux pieds. Rappelle-moi ton déguisement, encore. Ah oui,je me souviens,tu es déguisée en garce!
Helena lui sourit.
– Mon petit chat,je n’ai mis aucun déguisement! J’aurais bien eu trop peur d’avoir l’air ridicule devant Monsieur Garner!Il va annoncer une nouvelle. Je vais présenter l’émission du samedi soir.
La jolie féline en resta sans voix et Helena en profita pour ajouter:-Mais toi,tu es à croquer comme ça! Remue d’avantage ta queue quand tu marches,ça aura plus d’effet!
La laissant pantoise, elle retourna dans la salle de bal.Bob Garner,président général de la chaine de télévision,fit son apparition.Elle se dirigea instantanément vers lui.
La soirée fut merveilleuse! Après l’annonce de son nouveau poste,Helena en fut le point de mire! Ravie d’attirer l’attention,celle-ci n’eut de cesse de minauder. Toutes les félicitations lui montèrent à la tête et sans s’en rendre compte,elle enfila verre après verre. Helena sentit un mal de tête pointer le bout de son nez. Elle eut envie de partir. Après avoir salué une partie de l’assemblée,elle prit congé. Le temps pluvieux rendait la visibilité mauvaise. La route,sinueuse,lui donnait mal au cœur. Un choc soudain l’obligea à freiner. Quelque chose venait de heurter le parechoc. Helena descendit en titubant et vit un véhicule à l'arrêt. La terreur lui comprima l’estomac. Qu’avait-elle donc pu heurter!Elle distingua une forme allongée et immobile. Elle se mit à genoux en sanglotant,avant même de retourner le corps, Helena avait reconnu le déguisement de panthère. Délicatement,elle souleva la tête de Nicole. Du sang maculait son visage et sa lèvre inférieure,à moitié arrachée,pendait de façon atroce. L’esprit d’Helena fonctionna à cent à l’heure. « Vite,va chercher ton portable et appelle les secours. » Soudain,une pensée d’un tout autre genre s’immisça,insidieusement. Son regard se fixa froidement sur la route. En ayant renversé quelqu’un en état d’ébriété,elle pouvait dire adieu à sa carrière! Nicole était probablement déjà morte.Il fallait qu’elle quitte le lieu! Elle déposa la tête de la victime et se redressa. Elle remonta dans son véhicule. Un regard à la ronde la rassura,le paysage était des plus noirs. Il était improbable qu’une personne ait pu assister à l’accident. Elle démarra et osa jeter un dernier regard. Il lui sembla voir la tête de Nicole se soulever. Pouvait-elle affirmer que Nicole était morte? Elle accéléra et laissa ses doutes derrière elle.

Jour pour jour,un an plus tard.
La soirée,pourtant à peine commencée,lassait déjà Helena. Elle serait déjà partie si elle n’avait voulu que Bob Garner l’aperçoive avant. Il l’avait invitée et la moindre des politesses était de le saluer. Il lui avait donné sa chance l’année dernière mais,à son premier direct,elle avait mal prononcé le nom de l’invité et avait commis une faute de langage monstrueuse. Monsieur Garner,qu’elle avait pu appeler Bob le temps d’une soirée,l’avait remerciée sans détours. La chute de la jeune femme fut lourde,le monde de la télévision ne pardonnait jamais de telles erreurs.Vingt minutes après l’apparition de l’homme de la soirée et aucun regard à son encontre,Helena prit congé. Sitôt dans sa voiture,elle détacha les pinces qui lui maintenaient son chignon trop fermement. Soulagée que cette pression cesse, elle se massa la nuque. Après le bilan de cette année,elle avait décidé de rentrer chez elle,à Krajenka,auprès de sa famille. Elle démarra et se sentit sereine pour la première fois depuis un an. Elle était prête à tourner la page.
Elle emprunta la seule route pour rejoindre la plus grande artère,cette même route empruntée un an plus tôt. Une légère bruine se mit à tomber et Helena dut ralentir. Plus le lieu où s’était déroulé l’accident approchait et plus l’angoisse lui nouait la gorge. Sa voiture se mit soudainement à ralentir et eut des soubresauts jusqu’à s’arrêter totalement.
-Non, j’y crois pas! Démarre! Helena agrippée au volant, essayait désespérément de rallumer le contact.La panique la gagna. Elle posa la tête sur le volant et entendit la voix de sa grand-mère  « As-tu déjà entendu le nom Prostowniki ? »
-Ben voyons,logique,se dit-elle. Je vais sortir de la voiture et ces deux frères polonais vont m’écraser et me laisser pour morte sur cette route! Une voiture sombre s’arrêta à hauteur de la sienne. Helena,paniquée et bien que n’ayant jamais cru à cette histoire idiote,s’attendait au pire! La vitre se baissa et laissa apparaitre un visage avenant. L’homme fit lui signe de baisser sa vitre.
-On dirait que vous avez un petit souci! Un sourire se dessinait sur le visage du conducteur.
Helena restait sans voix, la bouche ouverte. Elle devait avoir l’air ridicule car il se mit à sourire encore plus: -Plus bas,il y a une station de taxis. Je pourrais vous y déposer? Je pourrais vous raccompagner chez vous,mais j’avoue être assez pressé. Je voudrais bien déposer mon paquet au lit. Il fit descendre sa vitre arrière et Helena put apercevoir un petit garçon endormi dans un siège auto.
Un poids énorme quitta instantanément sa poitrine. C’était un papa, pas un tueur!
-Oh,vous m’avez fait peur!
-J’ai vu! Il la regardait maintenant en rigolant franchement. Alors,ça vous dit ou vous préférez rester seule ici?
Elle s’empressa de défaire sa ceinture en:-Oh,non! J’arrive!
Elle monta rapidement et poussa un soupir de soulagement en refermant la portière. Il régnait une douce chaleur accueillante dans le véhicule.
- Vous ne pouvez pas savoir à quel point je suis contente que vous soyez arrivé! 
-Parlez moins fort,Helena,vous allez le réveiller! dit le conducteur en démarrant.
-Vous me connaissez?
-Bien sûr,on vous connait. Il la regarda avec un sourire plein de chaleur avant de fixer de nouveau la route. Il y a pas mal de temps qu’on a l’œil sur vous.
-Vous m’avez vu à la télé?
-La télé? Quoi,dans la seule émission où vous avez plus bafouillé,que présenté! Vous n’étiez qu’une enfant lorsque notre attention s’est portée sur vous! A l’époque,vous paraissiez prometteuse et je dois dire qu’on n’a pas été déçus!
Helena, éberluée, ne comprenait pas un seul mot. En regardant le tableau de bord,il lui sembla voir que celui-ci changeait. Il lui apparaissait maintenant dans un état piteux. En regardant entre les sièges,elle se rendit compte que la voiture était dans un état absolument immonde. Elle était impeccable lorsqu’elle était montée!
D’une voix à peine audible, elle bredouilla :-Je ne comprends rien.
-Sur cette route,quand tu l’as percutée! Bang! Elle a pris un de ces coups sur la tête! L’homme, excité par son récit, se mit à s’animer d’une certaine frénésie. Helena en resta complètement tétanisée. Voilà,on y est! C’était exactement après ce tournant. Et tu sais,je vais te dire un petit secret. Quand on l’a retrouvée,elle était morte. Bien morte,je veux dire. Mais l’était-elle quand tu es partie? Je sais que tu y penses depuis! Ai-je bien vu? A-t-elle levé la tête? Il chuchota en se penchant vers elle. Je connais la réponse mais au fond de toi, tu la connais aussi!
Un léger bruit à l’arrière attira l’attention de la jeune femme.
Elle se retourna. Sur le siège arrière où une minute plus tôt reposait le garçonnet, un homme lui sourit d’un air mauvais. Il abattit son poing sur son visage et ce fut le noir. 
Lorsqu’elle revint à elle,elle parvint difficilement à ouvrir les yeux. Assise sur une chaise,les deux mains ligotées aux accoudoirs,elle ne portait que ses sous-vêtements. Le froid la pénétra jusqu’aux os. Elle se mit à greloter. La pièce où elle se trouvait était sombre et humide;à première vue,une cave. Les deux hommes de la voiture étaient là.Celui qui l’avait frappée,farfouillait certains objets sur une table tandis que l’autre,la regardait. Le grand s’approcha alors,tenant une pince. Helena put apercevoir les ustensiles derrière lui et une angoisse indescriptible la prit à la gorge. La table était recouverte de pinces de plusieurs gabarits,de paires de ciseaux,d’écarteurs.. Ils étaient recouverts de tâches brunâtres. Sans avertissement,l’homme enserra de sa pince le pouce d’Helena et serra de toutes ses forces.
Après dix minutes de douleurs insoutenables,l’autre,qui n’avait cessé de regarder, s’approcha. Il s'accroupit et lui prit la main où il restait deux doigts et de l’autre, se mit à la caresser.Il fit descendre son index avec une extrême délicatesse sur sa joue,son cou,son ventre. Sur ses cuisses,il le fit passer en slalom entre les nombreuses coupures. La douceur de son geste était comme une coulée d’acide sur le corps d’Helena et son regard,pire que la mort.
-Je suis désolé des manières de mon frère. Mais,nous avons chacun notre rôle. Je serais absolument incapable de faire comme lui mais il faut avouer qu’il a des techniques incroyables! Et moi,j’adore regarder.
Laissant couler sang et bave le long de son menton, elle parvint à articuler:-Prostowniki.
-Oui,les frères Prostowniki,les redresseurs. En te racontant notre histoire,ta grand-mère a éveillé notre intérêt sur toi. C’est ainsi que nous pouvons continuer à vivre et à faire notre devoir. Et,la prochaine fois que tu me verras,tu me reconnaitras mais ça ne t’empêchera pas de monter dans ma voiture. Tu es ma marionnette.
Il vint se placer derrière elle,posant ses mains affectueusement sur ses épaules pendant que son frère s’approchait à nouveau,muni de sa pince. Après la douleur atroce,Helena sentit ses forces l’abandonner. Son corps,meurtri,lâchait prise. Elle accueillit la mort comme une amie,une délivrance. Juste avant son dernier souffle, elle entendit,pour la première fois,la voix de son bourreau:- A l’année prochaine…

Helena ouvrit subitement les yeux et se retrouva assise au volant de sa voiture. Elle démarra et jeta un coup d’œil dans son rétroviseur. Il lui jura avoir vu bouger la tête du corps étendu. Elle continua malgré tout sa route,son visage baigné de larmes…
Fin

  • Je suis en train de récupérer mes amis que le site a oublié... je relis ce texte et je m'aperçois que je suis la seule à avoir apporté un petit commentaire et que depuis vous n'avez plus écrit??? Quel dommage, à bientôt peut-être... j'ai tenté une expérience avec les zombis un concours sur un autre site, mais n'ayant pas été sélectionnée, je le mets en 4 épisodes sur welovewords, le titre est Sanglivation. Ecrivez et je vous lirais

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Yoda 24 04 09 002 92

    yoda

    • Bonjour, je viens d'écrire une nouvelle pour le concours de nouvelles érotiques ... Je suis en train de terminer une autre que je vais bientôt ajouter ...

      · Il y a plus de 8 ans ·
      Image

      Chris D

  • Je ne sais pas si c'est votre premier texte concernant l'horreur??? Je ne peux pas dire que c'est sympa, car je n'aime pas les histoires d'horreur, bien qu'en ayant écrit une... mais l'idée est bien trouvée, vous avez écrit pour le concours???

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Yoda 24 04 09 002 92

    yoda

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