Les Vilains 5

Hervé Lénervé

On en était au beau temps joyeux de l'adolescence boutounneuse.

Oui, ça va vite, je sais. mais on ne va pas rester avec les marmots pendant des lustres d'épisodes.

Fini, le temps des vipères derrière la fontaine, des crapauds dans la culotte des filles, finis tout ça. Des gamineries de jeunesses.

Nous, maintenant, grands, devenus. Nous sommes attirés par les beaux sentiments de l'âme. Nous sommes devenus des esthètes patentés de l'Académie des experts patentés. Nous aimons les histoires romanesques faites de sentiments purs et durs comme l'inoxydable.

Il y aurait bien eu la Germaine, mais comme, elle ne voulait pas jouer, nous n'avions d'yeux, mon Dieu, que pour la petite Marie.

Que l'on pouvait voir à l'église en statue 3D, grandeur nature, sur un piédestal, enfin une estrade de trois mètres de haut.

Pudique, la Marie. Voilée de tous côté. Drapée de la tête aux pieds. Pas un bout de peau qui dépasse. Un sein, n'y comptez même pas. Déjà qu'elle était murée dans le marbre. Frustrant.

Même si notre position favorisait une projection sexuelle fantasmatique, il fallait y croire jusqu'à la crise de foi pour y voir sous ses jupes.

Donc, les amateurs d'art, que nous sommes, se sont introduits subrepticement, de nuit, dans l'église.

Et nous avons dévoilé l'objet de nos rêves.

Nous avons été déçus par sa révélation.

Bon, on n'était pas des pros du burin, non plus.

Le curé a déclaré un dégât de sangliers pour se faire rembourser. Et nous, jeunes adolescents, toujours boutonnants, nous avions perdu notre muse égérie des plaisirs charnels.

Bon, il y aurait bien eu la Germaine, mais elle ne voulait pas.

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