Lettre à Monsieur le président de la République

                                                                 Monsieur le Président

de la République

                                                                   Palais de l'Elysée

                                                                   55, rue du faubourg Saint-Honoré

                                                                   75008 Paris

                                                                   Sallanches le,

                                                                   1er mai 2012

Monsieur le Président de la République,  

Travailler plus pour gagner plus… Une jolie phrase, pleine de force et de promesse. Mon histoire est certainement la même que celle de milliers de femmes. Je me permets de vous écrire afin de vous dire à quelque point mon désarroi est grand. Je viens de quitter mon époux. Je vis seule dans un petit F2, avec mon fils de 10 ans, que j’ai par alternance. Mon mari souhaite divorcer et ne me verse aucune pension. Vous aussi vous avez connu cette situation de divorce, mais certainement pas de la même manière.

Je travaille dans une Maison d’Accueil Spécialisée dans l’autisme, à Sallanches, mon travail doit être rigoureux, il est épuisant moralement et physiquement mais j’aime ce que je fais. A 40 ans, je suis en CDI et je dois présenter une VAE d’Aide Médico-Psychologique, car mes 5 années dans le handicap ne comptent pas et je dois reprendre un nouveau cursus. Le monde de l’autisme est passionnant, et les personnes avec qui je partage ce quotidien ont du cœur, aussi bien collègues que personnes de la direction. Je travaille à plein temps (35 heures), un week-end sur deux, je termine mon travail 4 fois entre 22 et 23 heures, pour un salaire de 1215 euros. Alors pour compléter un peu mes revenus, je suis correspondante locale de presse et mes articles sont payés au « mérite », je gagne environ 100 à 150 euros par mois, (je ne compte pas mes heures d’interview, les déplacements, et le temps pour écrire – rien de cela n’est compté). Ces revenus sont totalement aléatoires, car il y a des mois sans article (rentre dans les impôts BNC).

J’avais l’honneur de travailler en tant qu’AVS (Auxiliaire de Vie Scolaire) pour l’Etat et je gagnais 720 euros lorsque j’étais encore avec mon mari. J’ai dû arrêter car je ne gagnais pas assez. Et pourtant quel bonheur de pouvoir aider des enfants en situation de handicap, de pouvoir les rassurer mais aussi aider, comprendre et assister les enseignants face à cette nouvelle situation qui leur ai imposée. Je voulais être enseignante spécialisée mais l’Etat a une fois de plus corsé les choses et demande un BAC +5 avant de passer le concours, même la 3ème voie n’est plus accessible. J’ai eu le plaisir de partager des moments forts en classe avec les enseignants. Que vaut-il mieux, un AVS qui a envie de devenir enseignant, qui a envie d’apprendre son métier et qui partage pendant 5 ans la vie des enfants, des maîtres et des maîtresses ou un BAC + 5 inexpérimenté qui arrive sur le terrain ? Je vous laisse le soin d’y réfléchir. Tout cela pour dire, aussi, que L’Etat me demande de régler mes dettes, pour un trop perçu de 1470 euros, pour un papier que je n’avais même pas reçu et forcément pas complété à temps ! Entre nous soit dit pour ma VAE j’ai besoin d’attestation de formations, car une fois mon diplôme en poche je gagnerai environ 200 euros brut en plus. L’Education Nationale m’avait envoyée plusieurs fois en formations afin de devenir une « professionnelle » du handicap. J’ai fait la demande 2 fois et je n’ai toujours rien reçu. Faut-il un recommandé avec accusé de réception ?

Je paie mes impôts, mes factures, ma nourriture et je n’ai rien pour vivre. Même pas une place de cinéma pour mon fils. Mieux, je ne peux même pas lui offrir le lit qu’il a vu dans un catalogue. Il dort parterre sur un matelas prêtés par des amis. Heureusement, que le voisinage m’a aidé, parce que sur l’Etat, il ne faut pas trop compter. Les meubles m’ont été prêtés, l’électroménager m’a été donné avant de partir à la déchetterie. Je me sers de mon véhicule pour aller seulement faire mes courses, aller au travail, amener mon fils au judo et aller à mes entraînements de natation (ces activités que je ne pourrais certainement pas payer l’année prochaine, car dois je le rappeler, je suis seule, maintenant). Et je galère chaque jour… Je redoute chaque lendemain, car je ne sais quelle mauvaise nouvelle va frapper à ma porte.

Le coup fatal, m’a été apporté par le traitement de mon dossier aux allocations familiales qui refusent de m’allouer une allocation logement. Avec un loyer de 530 euros pour un F2, est-ce bien normal ? Tout augmente, surtout ici dans ce pays de montagne qui vit du tourisme. Les vacanciers arrivent et les prix augmentent aussitôt, dans tous les commerces.

Je gagne plus, mais je gagne trop… Trop peu à mon goût pour m’en sortir et trop pour que l’Etat m’aide… Que dois-je faire ? Travailler jusqu’à épuisement ? Me prostituer ? Travailler au noir ? Je n’ai pas de solution. Je meurs un peu plus tous les jours et cette situation très inconfortable me rapproche de ma prochaine condition de SDF.

Naturellement, vous allez me répondre par une lettre totalement impersonnelle et transmettre mon courrier à des personnes certainement très attentionnées qui n’auront pas la délicatesse d’en faire de même. Ma lettre arrivera certainement lors de la passation de pouvoir entre vous et vous ou vous et votre successeur et mon courrier sera  à jamais perdu dans les méandres des couloirs de l’Elysée.

Je garde espoir d’avoir une réponse. L’espoir fait vivre…

Vous remerciant pour votre clairvoyance, et toute la bienveillance que vous apporterez à la requête,

Je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, l’expression de mes sincères salutations.