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Nombreuses sont les personnes qui pensent qu'écrire est une occupation étrange. La plupart estiment même ça aussi passionnant qu'un épisode d'Arabesque ou de Monsieur l'Inspecteur Derrick.
Je ne sais pas pour vous. Mais moi, jamais je n'arriverai à me mettre à leur place. Car cette occupation étrange, c'est toute ma vie.
Ou plutôt c'était.
Nombreuses sont ces mêmes personnes qui ne comprendront pas ce terrible sentiment de déconfiture qui me ronge si elles venaient à s'attarder sur ces quelques lignes. Et penseront probablement que je vieillirai seule avec des chats si j'accorde autant d'importance à l'écriture.
Sauf... sauf peut-être si je leur demandai alors d'imaginer la perte de leur propre nécessité. Appelé plus communément : passion. (Ou même exutoire)
Le profond mutisme dont je souffre depuis quelques années n'a strictement rien à voir avec le syndrome de la page blanche. C'est un sujet qui me parait bien redondant. Je ne ressens pas à proprement parler de blocage. Je suis en deuil. Et la douleur est telle que si j'avais perdu un enfant.
J'ai bien conscience que cela peut paraître fou, mais lorsque j'écrivais, j'avais l'impression d'être éternelle. Comme si je vivais dans un espace qui n'existait pas. Dans ces moments-là, je n'avais plus de prénom ni de condition humaine. Non. Je n'en avais plus.
Tout était possible. Je pouvais hurler sans bruit. Puisque écrire est le chant des cris enfouis. Je pouvais dépasser toutes les frontières avec un incroyable sentiment de bien-être. Et... J'ai perdu cette éternité.
J'ai perdu cette sensation incroyable d'être hors du temps.
Oui, Autrefois, je savais parfaitement m'asseoir dans les coins les plus sinueux et retirés de ma vie. Je n'avais pas peur de m'isoler sur des terres souillées. Même si je devais me retrouver avec la peau complètement asséchée par les larmes. J'osais pleinement. J'osais exploiter et toucher les endroits les plus fragiles de ma mémoire. J'étais même prête à ouvrir les portes brumeuses. Celles qui nous protègent des souvenirs les plus sombres. Prête à affronter les monstres et à en dessiner les contours. À sortir les squelettes des placards. À lécher les plaies les plus béantes.
Bref, à complètement violer l'intérieur de ma tête s'il le fallait.
J'osais exploiter et toucher les endroits les plus fragiles de ma mémoire. J'étais même prête à ouvrir les portes brumeuses. Celles qui nous protègent des souvenirs les plus sombres. Prête à affronter les monstres et à en dessiner les contours. À sortir les squelettes des placards. À lécher les plaies les plus béantes. Bref, à complètement violer l'intérieur de ma tête s'il le fallait.
Maintenant... Qu'en est-il ? Je suis devenue lâche. Je n'ose plus.
J'ai peur.
Et cette lâcheté m'a fait atterrir en plein milieu d'une traversée solitaire. La traversée d'un désert, avec mille et unes émotions qui me tiraillent dans tous les sens. Sans savoir quelle direction prendre ni si je dois me fier aux trop peu de mirages. Ceux qui paraissent être des semblants de mots retrouvés.
Il y a désormais une fêlure. Et elle est si grande. Immense. Prendre mon élan pour l'enjamber ne suffirait même pas puisque l'espace entre elle et moi est devenu incommensurable. Par ma faute.
Par ma faute, car la nuit, comme un chuchotement aux creux de mon oreille, j'entendais souvent un flot incessant de paroles sourdes pour ne pas dire des blessures anciennes. Préférant rester en retrait, elles venaient aussitôt se mouvoir dans l'oubli. Puis revenaient tôt ou tard au galop comme pour me supplier d'être entendues. Ou plutôt écrites.
Mais je ne voulais plus écrire. Je les aient condamnées à frapper contre des portes fermées à double tour. Je les aient bâillonnée dans mon esprit. Et voilà aujourd'hui que je souffre avec elles de ce terrible silence.
Habituellement, je faisais la ronde avec les mots, les tenant par la main. Maintenant, je me retrouve au centre de ce cercle. Ils tourbillonnent à une vitesse si vertigineuse à m'en faire perdre l'équilibre comme pour m'interdire de me joindre à leur danse.
Je suis seule dans mes décombres. Plus personne pour les explorer. Plus personne pour ressusciter les ruines et m'aider à me regarder dans une glace.
Leur pied de nez est mérité puisque j'ai sous-estimé leur pouvoir.
Ils ont bien raison de se moquer de ma solitude. Après tout, j'ai osé croire que mon âme ne pouvait qu'être préservée si elle se tenait loin de ces créatures de papier. J'ai eu le culot d'abandonner mes compagnons nocturnes alors qu'ils s'étaient toujours montrés salvateurs.
Cette sentence n'est que justice.
Les voyages les plus obscures se font sans eux et ils me manquent tellement. Terriblement. Maintenant, c'est moi qui frappe contre des portes fermées à double tour. Qui crie silencieusement... Et comme toujours, comme elles, comme ces paroles que je censurai de force de mon esprit, je reviendrais au galop... En vain.
Pensez-vous qu'ils me pardonneront un jour ?
Dites-moi qu'ils me pardonneront...
En plein dans le mille.
· Il y a plus de 6 ans ·Ce n'est qu'en reprenant réellement l'écriture après une longue traversée du désert que j'ai compris qu'elle m'était vitale.
Thérapeutique, Psychopompe, Passion.
Comme souvent, tes textes me touchent.
Et bon sang, tu parviens à sublimer le manque et le rendre désirable en quelques phrases ...
fee-melusine
Quel joli texte sur le veuvage lettré ! Voyager est un excellent remède contre l'abandon des mots et leurs représailles. Voyager et écrire sur quelque chose que vous méconnaissiez quelques heures auparavant ou à propos de d'un sujet vous intéressant un peu seulement. Les mots et leurs millions de sens en éveil reviendront gratter à l'intérieur de cette prison crânienne dont seuls les gens de lettre sortent parfois.
· Il y a environ 10 ans ·koss-ultane
Très très beau texte. Bravo.
· Il y a environ 10 ans ·anton-ar-kamm
Merci beaucoup ! :)
· Il y a environ 10 ans ·Sandra Von Keller
Ils pardonneront à la foi retrouvée... très beau texte...
· Il y a environ 10 ans ·yahn
Merci. Oh comme je l'espère ! Des années déjà que je ne retrouve plus cette "fusion" avec eux...
· Il y a environ 10 ans ·Sandra Von Keller