L'heure de partir (Texte)
wen
Assez bizarrement, ce fut seulement quand Adrien passa les portes du hall de la gare Montparnasse, que la tension monta vraiment. Toute la journée avant s'était déroulée de manière sereine et tranquille. Mais le moment fatidique arrivait.
Il était entendu que Clara le rejoindrait devant le tableau d'affichage des trains pour Nantes ou Bordeaux. Ils choisiraient à ce moment là. Ils en avaient encore discuté la veille.
Etant en avance de plusieurs heures, Adrien s'installa à une des brasseries de la gare. Trop excité par la journée, il n'avait que très peu dormi. Depuis plusieurs jours déjà, il avait tout rangé dans son appartement. L'idée de leur fuite avait germé depuis plusieurs semaines et au fur et à mesure, Adrien avait fait le vide, placard après placard. Il ne lui restait plus que le strict nécessaire pour vivre au quotidien. Clara suivit ces préparatifs au gré de ses visites.
Leurs entrevues étaient maintenant relativement bien rodées. Ils travaillaient dans le même quartier et Adrien avait eu la riche idée d'habiter à quelques minutes, en plein Paris. Ils firent connaissance après s'être croisés plusieurs fois dans le parc non loin où ils allaient déjeuner d'un sandwich. Ils prirent d'abord l'habitude de se saluer quand ils se voyaient. Puis, ils se croisèrent de plus en plus souvent.
Un jour, ils s'installèrent côte à côte sur le même banc. Alors ils se parlèrent enfin. Ils firent connaissance ainsi, jour après jour. Rapidement ils comprirent que quelque chose de différent naissait entre eux. Les regards qu'ils s'échangeaient auparavant leur avaient clairement montré qu'ils se plaisaient physiquement l'un à l'autre. Ils s'étaient plus par le regard, ils se découvrirent encore plus d'affinités par la parole. Il ne fallut pas deux semaines pour qu'ils se déclarent leur flamme. Ils se découvrirent, doucement, timidement, et avec la peur permanente de déplaire à l'autre, craignant de voir s'échapper la première chose agréable qu'il leur arrivait depuis bien longtemps.
Adrien sortait d'une histoire de plusieurs années dont il s'était finalement plutôt bien remis. Mais personne n'avait vraiment réussi à faire exalter ses sentiments depuis.
Jusqu'à Clara.
Cette dernière, quant à elle, était mariée. Son couple avait pris la vitesse de croisière de tous les couples de proche banlieue sans enfant. Son mari et elle cohabitaient gentiment en gérant le quotidien.
Parfois, ils prévoyaient des vacances ensemble. Mais elle s'ennuyait.
Adrien réveilla tout ce qu'elle avait enfoui, toutes ses envies, tous ses espoirs. Très vite, ils vécurent des moments de folle passion dans l'appartement d'Adrien, laissant libre cours à leurs désirs, autorisant leurs corps à communier ensemble de mille façons toutes aussi exquises et délicieuses les unes que les autres. Clara redécouvrit la vraie signification d'un orgasme, le bien-être ressenti, et le sourire qui s'affichait inévitablement sur son visage ensuite pendant les heures de l'après-midi. Jusqu'au moment où elle rentrait chez elle.
Les volets clos, la lumière de l'été striait leurs corps emmêlés dans les draps tatoués de leurs plaisirs intimes respectifs. Ces mêmes draps dans lesquels Adrien se lovait le soir et respirait lentement, pour faire perdurer la présence de Clara entre ses bras.
Après plusieurs semaines aussi intenses, la chaleur de l'été et l'ardeur de leurs sentiments les amenèrent rapidement à ne plus se satisfaire de ces rendez-vous clandestins. Elle inventa des prétextes de moins en moins crédibles pour le retrouver certains soirs en plus de leur pause licencieuse du midi. Chacune de leurs retrouvailles rallumait leur ferveur et leur désir d'ailleurs, d'autre chose.
Adrien lança l'idée un jour plus par provocation qu'en y croyant vraiment.
— Et si nous partions, lui avait-il dit.
Sa réaction ambigüe avait fait naître un fol espoir. En effet, Clara accepta. D'abord timidement, elle entretint ensuite cette idée avec force et détermination. Oui, elle allait tout quitter et partir avec Adrien. Ensemble, ils s'installeraient dans une grande ville de Province. Elle n'aurait aucun mal à trouver un travail et lui non plus. Une fois partie, le divorce se conclura vite s'était-elle dit. Le plus dur pour Clara avait été d'accepter le fait qu'Adrien ne pouvait pas avoir d'enfant. Il était stérile et lui avait dit rapidement quand s'était posé l'inévitable question d'un moyen de contraception. Clara s'était résolue à l'idée d'adopter pour fonder une famille avec Adrien. Dans quelques temps. Mais l'idée avait fait son chemin plus vite qu'elle ne s'en était aperçue.
Et voilà se disait-il, c'était le grand jour. Cela faisait maintenant deux heures qu'il l'attendait dans cette brasserie, il n'en pouvait plus. Elle devrait arriver maintenant pensa-t-il.
Pendant tout le temps où il l'attendait, il ne remarqua pas la femme discrète qui se cachait tant bien que mal à l'autre bout de la gare. Attablée elle aussi à la table d'un autre bar, elle n'avait pas touché à son Vittel menthe. Pas une gorgée.
Elle tenait dans une main son téléphone et dans l'autre, ce qui aurait pu ressembler à un stylo si elle ne le tenait pas religieusement du bout des doigts.
L'objet semblait lui faire peur.
Un affichage digital dessinait une croix à l'extrémité la plus large. Le test était positif. C'était le troisième qu'elle avait fait. Pour être bien sûre. Le premier avait affiché deux barres, le deuxième lui avait indiqué « quatre semaines ». La soirée d'anniversaire de mariage avec son mari où elle avait un peu trop bu en pensant à Adrien.
Elle prit son téléphone et écrivit un sms. Elle le relut juste avant de l'envoyer fébrilement. Puis, elle se leva immédiatement et quitta la gare discrètement.
Le téléphone d'Adrien vibra un instant plus tard. Il lut les quelques mots avant de blêmir.
Je suis désolée. Oublie-moi. Je suis enceinte.
Oh non.... J'avais oublié en commençant à lire ta nouvelle que tu aimais les fins qui se terminent mal...
· Il y a plus de 9 ans ·chloe-n
Et oui... désolé.
· Il y a plus de 9 ans ·Mais merci beaucoup du petit mot et de la lecture.
A bientôt.
wen
Oui, il se termine au coin ce texte où je retrouve ton aisance à te glisser dans les situations "compliquées".
· Il y a environ 10 ans ·Je t'embrasse mon Wen.
lyselotte
Heureusement, ce n'est pas une histoire authentique !
· Il y a environ 10 ans ·Même si j'adore la gare Montparnasse... et que j'y ai passé quelques heures. Il y a très longtemps...
Merci du compliment en tout cas. Moi aussi je t'embrasse ma Lyse.
wen
Oh c'est triste, j'l'aime bien ce texte.
· Il y a environ 10 ans ·dreamcatcher
Oui c'est triste en effet. Malheureusement, l'amour est parfois ainsi fait.
· Il y a environ 10 ans ·Merci d'être passé dans le coin en tout cas.
wen