Libellule

Ni chrysalide, ni papillon, je suis une libellule des marais, je vole ici et là au-dessus de l'eau calme et stagnante parmi les roseaux et les joncs. De temps à autre je rencontre un promeneur trop sérieux, à l'esprit ridé comme une pomme, je ne peux que lui changer les idées alors je m'amuse à lui tourner autour mais ça l'agace alors je m'en vais en tourbillonnant. Le dimanche c'est souvent que les enfants courent après moi, veulent m'attraper, je joue le jeu en virevoltant auprès d'eux, mais jamais ils ne m'attrapent. Légère, je m'envole, si je savais rire, je leur rirais au nez, on n'attrape pas une libellule comme ça.

Je suis une libellule des marais, je ne tiens pas en place. Je ne suis pas aussi belle que mon compère le papillon qui flâne de fleur en fleur, se pose sur l'une d'entre elles en faisant l'émerveillement des passants. Les marais ont comme un air de solitude même l'été en plein soleil. Il faut une grenouille et des canards pour leur donner un peu de cette vie paisible qu'on trouve dans les romans du 19e siècle où les personnages sont toujours trop habillés dans leur robe à crinoline et leur costume à haut-de-forme. Je connais un marais que des rosiers côtoient, roses, jaunes, blancs, ils ont l'air de toujours rechercher comme la caresse de celles qui sentira leur parfum. Je m'amuse parfois à les distraire et à les entraîner dans mon envol ces femmes qui cachent leur bonheur et leur quiétude derrière leur ombrelle brodée sur laquelle j'aime me poser.