Liliana

phalene

                Elle m’hypnotise. Je la regarde à travers l’écran et déjà je sens mon corps se crisper. Elle vient d’entrer dans la petite salle de douche, celle reliée à ma webcam pour les dix prochaines minutes. Elle n’est rien qu’à moi. Elle chuchote mon nom pendant qu’elle se déshabille, qu’elle se touche et qu’elle jouit. Service personnalisé.

Elle est à moi. Lorsque je me connecte et qu’elle n’est pas là, je crois mourir. Je regarde d’autres filles, pour passer le temps, mais elles n’ont pas ce qu’elle a, elle. D’après le site, elle s’appelle Liliana. Et même la nuit, en dormant, j’hurle son nom tant je me meurs de désir. Liliana !
Un océan nous sépare mais qu’importe ; derrière ma webcam c’est comme si j’étais là-bas, avec elle. Je peux choisir la musique, les accessoires… Je peux même lui décrire mes fantasmes, lui envoyer des informations pour qu’elle puisse les utiliser pendant qu’elle n’est rien qu’à moi.

C’est toujours le même scénario. Elle entre dans ce petit box, tapissé de toiles roses et capitonnées, un peu classique pour ce qui est des salons érotiques. Elle dit toujours, en français « Bonsoir, John. Encore vous… », et sourit suavement. Elle fixe la caméra et la musique démarre… Je sais que dans moins de dix minutes elle et moi serons ensemble au paradis. Elle commence par se caresser le visage et les cheveux, puis le ventre, et l’intérieur des cuisses. Des jets jaillissent, comme j’en ai fait la demande. Son corps se met à briller, on dirait qu’elle est faite de diamants. L’eau ruisselle sur elle et dégouline le long de ses seins, de ses reins… J’aimerais la lécher. Petit à petit elle retire ses fanfreluches, se cambre, se touche, gémit, et je sens mon corps se liquéfier. Je brûle du désir de la prendre sauvagement, tout de suite ! Je crève de douleur d’être si loin d’elle mais elle m’excite tant que je n’y pense presque pas… Je résiste à l’envie de jouir tout de suite, j’attends qu’elle se masturbe pour pouvoir jouir en même temps qu’elle, comme si je lui faisais l’amour. Elle crie mon nom : « oh oui, John, encore ! » et je lui réponds que je la domine, même si elle ne m’entend pas. Lorsqu’elle renverse violemment la tête en arrière je sais que ça y est, elle jouit, et cela me fait jouir à mon tour. Je me délivre de tout ce désir, pour mieux recommencer le lendemain, si elle est là…

Liliana. Son prénom résonne en moi. La nuit, au travail, quand je fais l’amour à ma femme. Je dois même me concentrer pour ne pas l’appeler par ce prénom. Liliana est mon fantasme, et elle existe, quelque part.

J’en ai croisé, des femmes. Mon travail m’a toujours fait voyager. Dans chaque hôtel c’est une nouvelle conquête. Une japonaise en levrette, une russe en missionnaire et ma femme à l’occasion. Aucune, physiquement, ne me procure ce que Liliana me donne virtuellement.

Je la vois me fixer. Quand elle se touche, je l’entends qui me dit « alors John, bien dormi cette nuit ? Moi non, j’ai beaucoup pensé à vous, petit coquin. » Parfois, juste avant de jouir, elle explose et dit « Je vous veux ! Mon dieu je vous veux ! » et cette façon qu’elle a de me désirer tout autant que je la désire m’émoustille, je crois rêver.

Son corps m’éblouit. Elle a ce charme inqualifiable, un charme à la française. Elle est bonne. Grande, élancée, succulente. Dans mes rêves les plus fous je l’imagine allongée nue, totalement trempée, et je boirais l’eau qui dégouline sur son nombril et entre ses seins. Je l’entendrais prononcer de vive voix mon nom, John, avec cet accent français qui me fait bander. Liliana. Mon délire virtuel, ma folie immatérielle. Mon âme sœur, de l’autre côté de l’Atlantique.

            Cela fait plusieurs jours qu’elle ne s’est pas connectée. Une angoisse sourde m’étreint, son nom n’apparait plus sur le site, dans la liste des filles disponibles pour un show. Je clique sur tous les autres noms, peut-être qu’elle a changé le sien. Elle n’est nulle part, elle ne prononce plus mon prénom, elle ne jouit plus avec moi. Je suis une coquille vide. Le matin, avant de partir au travail, je vérifie sur le site. Arrivé là-bas, j’en fais de même. Durant la pause déjeuner, je me connecte via mon smartphone. Elle a disparu.

Je crois mourir. Il faut qu’elle revienne. J’ai envie de pleurer, de m’écraser au sol, de hurler ! Je veux mourir. Je ne suis plus rien. Son nom n’apparait plus.

Les semaines passent et je disparais. Je regarde d’autres filles, je me masturbe sauvagement, j’en ai même mal à la queue. Avec Liliana j’ai à peine besoin de me frôler pour jouir. Les autres ne sont que des glaçons à côté d’elle.

            Elle vient de réapparaître. Je vois son nom affiché, j’hésite à cliquer. C’est comme si vous n’aviez pas vu l’amour de votre vie pendant vingt ans et que dans seul coup elle réapparaissait. Je clique, j’ai peur qu’un autre homme la demande avant moi. Elle est à moi.

Tout de suite, elle dit : « John ! Ca ne m’étonne pas de vous. Vous m’avez tellement manqué ! » Lorsque l’image s’affiche, elle est déjà nue. Elle ne porte pas son habituelle dentelle froufroutante noire, juste de hauts escarpins à talons. Ils sont argentés et je les reconnais tout de suite : ce sont ceux que je lui ai envoyés, afin qu’elle les porte rien que pour moi. Elle est magnifique, son corps semble être sculpté dans le marbre. Les jets d’eau s’ouvrent, les milliers de perles de liquide glissent sur elle et je pleure, tellement elle m’a manqué. Je voudrais que mon sperme coule sur elle, qu’il soit chaud, bouillant, au creux de ses reins. Elle m’appelle : « John ! J’ai trop envie de vous… C’est si bon ! » Et elle se masturbe, tout doucement. Elle s’assoit sur une chaise postée au centre de la petite pièce et écarte les jambes. Ses doigts aux ongles peints en noir caressent délicatement son clitoris, puis glissent un par un à l’intérieur de son vagin. Je sais qu’ils sont chauds et humides, que je voudrais les mettre dans ma bouche. Son autre main caresse sa poitrine, si sublime, si ronde. Ses longs cheveux flamboyants descendent le long de son dos. Elle est à moi.

Pendant qu’elle se caresse je l’imite, toujours au même rythme qu’elle, pour jouir à la même seconde. Ce soir elle est douce et lente, ce sont nos retrouvailles. Elle dit « j’aimerais que ce soit vos doigts, dans mon vagin. »

Cette phrase me donne une idée. Je n’ai pas l’habitude d’intervenir pendant son show, trop concentré à me donner du plaisir. Je formule toujours mes désirs avant. Mais là, je ne peux me retenir d’écrire : « Ordonne-le et je viendrai. »

Elle a l’air surprise lorsque le message s’affiche sur son écran. Elle sourit, et dit : « je te l’ordonne. Viens à Paris. Me prendre. » Soudainement elle accélère la cadence. Elle n’est plus douce et délicate avec son clitoris, mais devient enragée comme une amante en manque. Je n’y tiens plus, je jouis longuement, en gémissant, et elle fait la même chose. Avant de quitter la fenêtre, je lui écris : « La semaine prochaine, je serai à Paris. »

Elle sourit, et quitte le boudoir.

            C’est tellement facile quand on est commercial pour une grande boite de prétexter un rendez-vous à l’autre bout du monde, et de partir. J’ai plié bagages en moins de trois jours, et me suis rendu à Paris. Le premier soir à l’hôtel, quand je me suis connecté, son nom n’est pas apparu. Le deuxième soir non plus. Je tournais en rond comme une bête enragée dans sa cage, qui sent sa proie lui échapper. J’avais envie d’enfoncer mes ongles dans sa chair et de la mordre. Je voulais qu’elle tremble pendant que je la pénétrais. Le troisième soir son nom s’est affiché. Quand nous sommes entrés en contact, elle m’a tout de suite dit : « Tu es à Paris ? » Je lui ai répondu que oui. Sans rien ajouter, elle a fait son show, s’est caressée, nous avons joui et avant de partir elle m’a donné une adresse, et un rendez-vous pour le lendemain, à vingt-deux heures. J’ai joui à nouveau.

C’est un cabaret. Pas de très grande classe, mais un lieu plein de désir et de rêve. J’y suis entré et j’ai vu des dizaines de filles à moitié nues qui dansaient, servaient de l’alcool et fumaient langoureusement. Je me suis dit que le vrai charme parisien était là. Je demande à la barmaid si elle sait où Liliana se trouve. Elle me regarde et dit :

« Vous êtes John ? » Je lui dis que oui, elle me regarde avec plus d’insistance et m’indique un rideau. Mon cœur ne fait qu’un tour dans ma poitrine. Je sens que Liliana est toute proche, qu’elle m’attend. Mon sexe durcit déjà à l’idée des plaisirs que nous allons partager. J’avance, presque timidement, pour retarder le moment où mon rêve va se réaliser. J’écarte le rideau.

Elle est là, allongée sur le côté. Elle porte des sous-vêtements transparents. Elle est mille fois plus belle qu’à l’écran. Son corps est ivoire, ses seins sont des coupes auxquelles j’ai hâte de m’abreuver. Je m’imagine déjà enfoncer mes doigts au creux de son sexe, fouiller cette cavité pour en tirer des soupirs de plaisir. Elle tapote les oreillers à côté d’elle et j’ose enfin aller m’allonger. De ses doigts agiles elle retire ma chemise. Je n’ose pas la toucher. Elle prend ma main dans la sienne et me lèche, suce mes doigts. Je bande complètement. J’ose enfin fourrer mes mains dans sa chevelure et lui donne mon premier baiser. Ses lèvres sont comme un oreiller de plume. Je dégrafe son soutien-gorge et caresse son dos. Sa peau est laiteuse, comme de la soie. Ses seins tiennent dans ma main et je lèche ses tétons. Elle gémit. Je sais que cela l’excite, elle me l’a dit. Je mordille ses lobes, lèche son nombril et descend vers son sexe. Je retire sa dentelle transparente et lorsqu’enfin je décide de caresser son clitoris, je sens qu’elle mouille déjà. Elle est trempée, mes doigts glissent sur son sexe, je me noie dans le bonheur. Je murmure son prénom juste au moment où je le pénètre avec mon majeur. Elle gémit longuement, elle mouille tellement… Tout en continuant ce va-et-vient de mes doigts, je mordille ses tétons. Elle se cambre et dit, subitement : « J’en ai tellement rêvé ! » Je réponds, dans un français approximatif : « moi aussi », et elle gémit à nouveau. Je sens qu’elle perd tut contrôle, qu’elle se laisse dominer. Je me déshabille à mon tour. Mon sexe est tendu, à m’en faire mal, tellement je la désire. Je m’allonge sur elle. Je n’ai jamais rêvé de rien d’autre qu’un missionnaire. Mon gland rencontre la chaleur de son sexe humide et je dois me contrôler pour ne pas tout lâcher à ce moment. Elle écarte les cuisses, dernière bénédiction de sa part, et je m’enfonce en elle. Nous poussons un grognement. Je cherche ses yeux. Ils sont bleus, brillants. Elle peine à les garder ouverts, je sens qu’elle m’appartient totalement, qu’elle se donne à moi. Tout en la fixant, je commence un va-et-vient lent, doux. Elle ferme à nouveau les yeux, c’est plus fort qu’elle. Je murmure « Liliana, Liliana… » tout le temps que je la pénètre. Je glisse une main vers son sexe et caresse son clitoris, tout en continuant mon mouvement. Elle se cambre subitement et gémit, je vois ses joues rougir et son cœur accélère. Je lui donne du plaisir, un plaisir indescriptible. Elle halète, souffle, grogne et j’en fais de même. Je sais qu’elle va bientôt jouir, je la connais par cœur. J’accélère la cadence, la pénètre plus profondément tout en continuant de caresser son clitoris. Elle commence à crier, j’étouffe ses cris sous mes baisers et soudain je le sens : elle rejette la tête en arrière, se cambre davantage et jouit de tout son saoul. A peine quelques secondes plus tard je la suis au paradis. Les minutes s’allongent tout le temps que nous jouissons, j’ai l’impression que ça ne va jamais s’arrêter. Je peux mourir demain.

            Je ne me rappelle pas comment je suis sorti de cette pièce, comment j’ai quitté le cabaret, je suis rentré à l’hôtel puis en Amérique. A chaque fois que j’y pense je jouis. Je n’ai même pas besoin de me toucher. Le rêve est devenu réalité.

            Et la réalité est devenue difficile. Dès que je me connecte il faut qu’elle soit là. Partout où je vais je veux pouvoir accéder à internet. Je deviens fou, fou de désir. Une fois ne m’a pas suffit.

Un soir, pendant que nous sommes en contact vidéo, je lui donne mon adresse. Je lui dit que je paierai tout. L’hôtel, le transport. Peu importe du moment qu’elle soit là.

Elle a répondu à l’appel. Je crois qu’elle est aussi mordue que moi.

Je l’ai récupérée à l’aéroport. Nous avons baisé dans le taxi, à l’hôtel où je l’ai déposée, sous la douche, dans le lit à nouveau. Comme s’il fallait récupérer toutes les fois où nous n’avons pas pu. Je lui ai fait visiter la ville, en long et en large. Je l’ai emmenée au restaurant, au cinéma : partout le même rituel, dans les toilettes, ou dans les salles obscures vides. Insatiables. Toujours le même plaisir au moment où je glisse mes doigts dans son entre-jambes et je sens qu’elle mouille déjà. Que je l’excite à mort.

Je ne peux plus la laisser repartir et de toute façon, elle-même ne le veut pas. Je quitte ma femme,puis prends un nouvel appartement. Je fais aménager la chambre pour que ça soit un coin douillet, plein de coussins et de tentures. Nous installons une webcam.

Des milliers de messages arrivent. Notre commerce marche très fort, nous faisons des dizaines et des dizaines d’envieux qui nous observent pendant que je la prends, que je la pénètre bien profondément et qu’elle jouit. Nous sommes désormais deux sur les vidéos.

Je n’avais pas imaginé que ça pouvait être aussi bon mais je dois l’admettre : quand la webcam tourne, et que des milliers de mecs et de filles se masturbent en nous regardant baiser, ça m’excite encore plus.

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