L'incurable curiosité
Alain Le Clerc
La maison de grand-maman lui ressemblait. Elle était petite, vieille et débordante d'amour. Grand-mère distribuait toujours des sourires et des câlins. Elle avait pourtant dans l'œil quelque chose de particulier qui me glaçait le sang.
Les dimanches, j'explorait sa maison avec mes cousins. Une seule pièce nous était interdite. La porte était verrouillée avec un vieux cadenas à clef. Ma grand-mère avait un sixième sens. Elle pouvait nous entendre frôler le cadenas. Elle accourait alors avec son grand sourire et elle nous chassait dans une autre pièce.
Un dimanche d'automne, nous visitions ma grand-mère qui semblait avoir vieillit d'un coup. Grand papa était décédé un mois plus tôt. La vieille dame avait encore son sourire mais ses yeux trahissait son immense peine.
Jean, un cousin plus âgé, patrouillait la maison comme à l'habitude. Il trouva une petite boîte poussiéreuse remplie de vieilles clefs. Il me fit signe. Du coin de l'œil, je vis ma grand-mère montrer de vieilles photos à ma mère et à ma tante. Leurs regards étaient rivés sur leurs souvenirs.
Nous nous sommes dirigés vers la porte de la pièce interdite sur le bout des orteils. Jean a examiné le cadenas. Une des clefs ''empruntées'' semblait reproduire le design de la serrure. Il utilisa la clef pendant que je faisais le guet. Le petit corridor était vide. Un vent froid sembla traverser la pièce. J'entendis un 'clic'. C'était la bonne clef. Ma grand-mère apparue au bout du corridor. Elle me sourit. J'étais mal à l'aise. Elle fit trois pas dans ma direction. Le téléphone sonna. Elle se retourna pour répondre.
Jean avait ouvert la vieille porte défraichie. Il me fit signe de le suivre et il disparut. Je me retournai et constatai que ma grand-mère me tournait le dos et parlait à voix basse au téléphone. Elle sanglotait et ses épaules faisaient de drôles de petits sauts. Je franchis le seuil de la pièce interdite. L'obscurité était totale. Mes yeux s'habituèrent rapidement à la noirceur et j'aperçus l'escalier en colimaçon qui semblait descendre à l'infini. Je tentai d'attirer l'attention de mon cousin en chuchotant. Il ne me répondit pas, mais j'aperçus une faible lueur un peu plus bas. L'escalier semblait descendre vers les ténèbres. J'atteins finalement un palier. Il y avait deux portes devant moi. Une seule était entre-ouverte. ''Jean ?''. Il ne me répondit pas. J'éclairai la porte avec mon vieux iPod. La pièce sentait le vieux bois moisi. De vieux meubles poussiéreux étaient envahis de toiles d'araignées.
La lueur semblait minuscule, comme si la pièce absorbait la lumière. Mon iPod commença à défaillir. J'aperçus avec horreur le corps de mon cousin qui volait au-dessus du sol. Je l'entendais crier et se débattre. J'étais figé. La porte s'ouvrit à plusieurs mètres au-dessus de nous et je croisai le regard menaçant de ma grand-mère. Je remontai à toute vitesse. Ma grand-maman porta secours mon cousin.
Jean et moi n'avons plus jamais discuté de notre aventure dans la pièce interdite.