l'irrationnelle

drimakos

J'ai couru nue longtemps sur des lignes de fuite. Et les hommes se couchaient sous mon corps, prétendants allongés sur le lit du fakir: je leur ai laissé peu de place en mon sein, j'en conviens. Mais il fallait faire vite. Il fallait oublier que les corps se délitent, qu'à trop peu vouloir creuser mes sillons de jeunesse, je risquerai un jour de ne rien récolter. Je suis vieille maintenant. Les années ont passé. Et sur ce matelas sale c'est la mort que j'attends désormais. Elle ne tardera plus. Elle viendra comme une soupirante longuement repoussée, sans rancune ni regrets. Elle sait ma vie sans égards, la barque seule que j'ai toujours mené loin des tristes rivages, et de la mélancolie. J'ai ri souvent, et des soirs d'orage n'ai retenu que les râles de mes amants. Je ne me souviens plus de leurs noms, je ne me souviens plus de leur nombre: ma peau seule les aura connus, c'est aujourd'hui que je m'en rends compte. J'aspirais en ce temps à découvrir le monde, mais dix doigts et trois bouches n'y auront pas suffi. Ils auront pourtant essayé, à parcourir en hâte tant de chemins, à dévorer goulûment les masques des héros d'un soir, à croire au bonheur simple d'une vie de plaisirs. De peur que ces instants se dérobent, je n'ai pas vu alors qu'ils cachaient à mes yeux, mes si beaux yeux, si séduisants, l'aridité et l'avidité d'une vie courtisane. Je me rêvais harpie révolutionnaire, Marianne au sein nu sur les champs Elysées, mais la réalité a su patienter, et c'est elle qui me tient aujourd'hui les yeux ouverts, grands ouverts même, sur mon rôle de peu de choix dans ce théâtre sordide. Deux longues années déjà sans plus pouvoir bouger, mes entrailles ont pris leur liberté, mon corps m'a abandonné là où je régnais un temps, sous des draps souillés, et seul le miroir qui me fait face me rappelle d'un regard celle que je fus. Celle que je crus être. Mes souvenirs me bercent, mais d'illusions. Je n'ai jamais aimé. J'ai pourtant essayé, mais d'une lèvre à l'autre quand les plaisirs vagabondent, la futilité se fait maîtresse. Mes pensées vont vers ceux dont je sais désormais que d'eux me suis joué, couchant à l'ombre de mes charmes leurs âmes trop éprises. Je les comprends maintenant. Ils mourront aussi, certains le sont déjà. Je ne les pleurerai pas, mais mon âme est triste. Mon âme a le parfum douloureux d'une jouissance franche, d'une main qui se crispe, d'un pouls qui s'accélère. Mon âme a la couleur brûlante des lendemains lointains, des rêves du moment, des amitiés qui passent. Mon âme est triste de me perdre, car j'étais de l'instant, et cet instant s'efface. Mon corps court vers la mort; pour la première fois peut-être, je gémis seule.

  • Au début, votre texte retient l'attention, et semble promettre quelque originalité, mais cette police ! Cette taille ridicule ! j'ai abandonné vos mouches d'ophtalmologue refoulé !

    · Il y a environ 12 ans ·
    Default user

    esteban-k

Signaler ce texte