LOIN DE MOI

nawel-

PROLOGUE

Je cours. Je fuis. Le présent est insupportable à cause du passé. Je viens de sortir du collège en courant. J'ai à peine adressé la parole à la surveillante blonde à la grille. Une nouvelle. Mélissa, je crois.
J'ai traversé la petite route et me voilà sur le passage étroit que maintes et maintes générations de collégiens ont emprunté.
<< Tu es seule.>>
Je fuis. Quoi ?
<< Tu ne comprends donc rien ! >>
Le passé.
Cela ne fait même pas dix minutes que je suis partie que j'entends déjà des pas derrière moi. Ils ont fait vite.
- Attends !
J'accélère.
- S'il te plaît ! On est désolés ...
A la bonne heure ...
- Il fallait y réfléchir avant !
- Non, attends ... Attention !
Je viens de rentrer dans quelqu'un.
Haut noir. Jean. Bottines noires à talons.
Je marmonne un vague "pardon" à la femme et m'éloigne.
- Annie, attends !
Je ralentis. C'est Lou.
- Je t'en supplie, réfléchis ... Et reviens.
Je me retourne. La femme que j'ai bousculée est une de mes professeurs. Tant pis, je ne reviendrais sans doute pas.
- Tu es là.
Lou et les autres s'arrêtent à une distance raisonnable de deux ou trois mètres de moi. Comme si j'étais armée. Ou qu'ils aient peur de me faire fuir, comme lorsque l'on approche un animal sauvage.
- Ne pars pas, me dit-elle.
- Et pourquoi ne le ferais-je pas, dis-moi ? Rien ne me retient.
Je feins de m'en aller.
- Attends ! Il y a nous ...
Je la regarde.
- Nous. On ne compte pas pour toi ?
Elle a l'air sincère. Ils ont l'air désolé, inquiet.
- On t'aime, et on veut t'aider.
Basile ...
Je ne cille tout de même pas.
- C'est tout ? Je peux partir maintenant ?
- Eh bien vas-y, si tu y tiens tant ! Ni rien ni personne ne te retiens. C'est bien ce que tu as dit, n'est-ce pas ?, me jette Charles, ses yeux cendre emprunt d'une colère telle que je ne lui en avait jamais vue chez lui.
Il continue :
- On veut t'aider et tu t'enfuis ! Eh bien, très bien !
Ah si. Je l'ai déjà vu comme ça : lorsque son père a suggéré, en plaisantant, de manger son lapin pour le déjeuner.
- C'est exactement ce que je vais faire, merci.
- Non ! Charles, ça ne va pas ? Annie, même ta meilleure amie ne te ferais pas revenir ?
Lou m'observe, intensément. Je détourne mon regard. Si j'étais restée là à fixer ses yeux bleus, encore ne serait-ce qu'une seconde, j'aurais cédé, et je serais revenue. Souffrir.
Mes yeux s'embuent de larmes. Je les regarde, tous.
- Je suis désolée, vraiment.
Je fais volte face et reprend ma course là où elle s'était arrêtée. Je dois partir. Loin de tout. Loin de tous. Il faut que je laisse les sentiments, les regrets, le chagrin là. Derrière moi. Un instant, je tends l'oreille. Rien d'anormal. Ils ne me courent pas après. Ils doivent savoir que me rattraper ne m'empêchera pas de m'enfuir à nouveau, une seconde fois. Je pense à mes amis, que j'abandonne. Tant pis ! Je ne reviendrai pas. Il faut bien que je parte.
Loin de moi.

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