L'orange de Noël d'la rue Saint Denis

Elsa Saint Hilaire

L'orange de Noël

 

Cinq sous au fond d'la poche,

Faisant grincer mes galoches,

J'pars chez la Mère Fannie,

L'épicière d'la rue Saint Denis.

 

Des belles me font les yeux doux

M'appellent « Mon p'tit loup,

 Mon gentil roudoudou. »

 

Des fois qu'elles en voudraient à mon pécule,

J'prends l'air d'un Jules, d'une vraie crapule.

 

« Quoi donc tu fais ici, par c'temps pourri ? »

M'lance - l'œil encarté - la grande  Sophie.

 

J'réponds à la chabraque de frangine

Qu'ma mère elle manque de vitamines

Et vu qu'c'est bientôt la nuit d'Noël

J'veux lui offrir des oranges et du miel.

 

J'vois les filles de la rue qui se gondolent

S'frappent les cuisses, lèvent leurs guiboles

Fourragent dans leurs fringues de coulisse

Fliquées par un jeune mac en pelisse.

 

Elles m'font un signe, et une p'tite à chignon

Me tend une poignée de jolis biffetons.

 

« Tiens v'là d'quoi t'acheter six livres d'oranges,

T'es trop giron l'crapaud, avec ta trogne d'ange,

Tu bichoteras ta mère d'la part des croqueuses

Sois chouettard avec elle, rends-la heureuse ! »

 

J'aimerais bien toutes les embrasser,

Mais le mac commence à m'reluquer.

 

Alors, vingt francs au fond d'la poche,

Faisant glisser mes galoches,

J'repars chez la Mère Fanny,

L'épicière d'la rue Saint Denis.

 

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