L'orgasme d'Alain Delon

Giorgio Buitoni

Je voulais pas faire de mal à Marie.

C'est vrai, je lui réponds plus au téléphone.

Mais j'ai pas trop aimé son cadeau.

Et puis tous ses amis ont lu ma nouvelle sur Facebook, maintenant.

J'y peux rien, Marie.

Lisa ne va pas l'attendre jusqu'à la Saint-Glinglin, le prix Nobel de littérature de Georges Procrastin. Si je veux la récupérer, je dois écrire ce roman pronto fissa. Avant qu'elle s'envole pour Waïkiki avec le premier surfer blond venu.

Je devais trouver l'inspiration.

Et mon amie Anna, celle qui bosse dans un asile, m'a dit :

« Tinder, c'est le must pour l'inspiration, Georges. »

Rien que des paumés et des cas sociaux sur Tinder, selon Anna. Un trésor de détails romanesques à porté de pouce qui attend d'être couché sur papier dans un best-seller.

« La réalité surclasse toujours la fiction, Georges. »

Vu qu'Anna, c'est ma meilleure amie et qu'elle a souvent raison, j'ai cliqué.

Et c'est la vérité vraie.

L'inspiration est sur Tinder.

Cette histoire d'orgasme qui fait causer Marie comme Alain Delon, ça ne s'invente pas. Même Jules Verne, il pourrait pas inventer un truc pareil. Marie qui jouit à la troisième personne du singulier.

« Vas-y ! Encore ! Plus fort ! ELLE aime ça ! ELLE vient. »

Sans rire.

J'ai cru qu'on était trois dans la chambre.

C'est triste pour Marie, mais ce sont les genres de détails qui font authentiques dans les romans.

J'y peux rien, Marie.

C'est charognard, l'écrivain.

Il en fera des romans ou des nouvelles de ton orgasme Alain Delon. Des prix littéraires et des interviews avec Bernard Pivot. Et ne crois pas qu'il te rétrocédera le moindre centime. Même si tu lui a donné la matière en or pour pondre une nouvelle. Et un cadeau bonus.

Je voulais pas faire de mal à Marie.

Mais son cadeau, je l'ai pas aimé. Alors j'ai posté ma nouvelle sur sa page Facebook.

L'inspiration m'est venue à l'aube du septième jour. Une semaine  après la découverte scientifique de l'orgasmus Alanus Delonus. Après la première goutte blanche et les démangeaisons.

J'ai posté la nouvelle sur le Facebook de Marie avec un petit mot :

« Le plaisir de donner, la joie de recevoir. »

Mon cadeau vaut bien le sien.

La capote a craqué.

J'y peux rien.

Ça s'appelle les chlamydiae, le cadeau de Marie, m'a dit Anna.

Je sais pas.

J'aurais p'têtre pas dû lui poster ma nouvelle à cause de son cadeau, à Marie. Je voulais pas lui faire de mal. Mais moi, en cadeau, j'aurais préféré un CD d'Alain Delon. N'empêche, Anna a raison, la réalité dépasse toujours la fiction.


(Tu peux la lire là, ma nouvelle, au fait :)

http://welovewords.com/documents/marie-johnny-depp-et-moi-extrait-du-journal-de-georges-b-dot


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