LR 639 - Violette

Chaque matin de sa vie, la nouvelle préposée, choisie parmi une dizaine de candidats, se levait de très bonne heure, malgré les difficultés qu'elle devait affronter tout au long de la journée.

Violette, c'était son prénom, adorait ce moment privilégié, paisible, où elle arpentait les allées sablonneuses du petit cimetière. Là, au fil des pierres endormies, elle replaçait sur un marbre, un pot malmené par le vent, s'inquiétait d'un angelot au sourire enfantin qui avait glissé de son piédestal : la couche d'un enfant parti bien trop tôt...

Elle avait accepté ce travail parce que tous ceux qui étaient couchés là, méritaient, qu'en dehors des visites, qu'on ne les oublie pas. Elle soignait tout particulièrement les défunts qui ne recevaient jamais plus aucun mot, aucun pleur. Parfois même leur nom se trouvait effacé, ou encore à peine gravé sur la pierre si grise. Elle passait alors sa main sur le marbre, bien religieusement, enlevant ainsi les débris de toutes sortes, qui pouvaient troubler leur sommeil... Et puis, elle revenait lentement afin d'aller ouvrir le grand portail et ainsi accueillir les premiers passants, avant de retourner soigner les lieux, en les débarrassant des mauvaises herbes et des feuilles volantes.

Plus tard, elle s'occuperait aussi des familles éplorées, avec toujours un mot d'apaisement pour ces vivants désemparés. Elle en accueillait parfois dans le logement de fonction qui lui avait été attribué, leur offrant un café ou un rafraîchissement. Ils trouvaient là, dans le minuscule salon si bien fleuri, de quoi passer un peu de baume sur leur chagrin.

Et les journées s'écoulaient ainsi entre sourires et recueillement...