Ma nonne.
Hervé Lénervé
Quand j'étais préadolescent, postgamin, j'allais à la messe le dimanche et au catéchisme ou catéchèse, ça fait plus snob, un jour dans la semaine, le mercredi, peut-être, ou un autre mois de la semaine, je ne sais plus, je ne me rappelle plus ! Je n'avais aucun mérite de dévotion dans tout cela, j'étais simplement contraint, par ma mère, d'y aller. Mais peu importe, là n'est pas le sujet, le sujet est la sujette qui nous faisait les cours élémentaires de « Comment aimer Dieu » et accessoirement ses prochains, pour ceux à qui il restait encore un peu d'amour en rab.
C'était une nonne, belle comme une icône, fine comme la madone, droite comme une colonne. Elle était à peine plus vieille que nous-autres, les garnements chenapanés, et comme elle faisait plus jeune que son âge, on aurait pu la croire sœur, ce qu'elle était de fait, par vocation.
J'en étais « follement amoureux » ou « immodérément épris », (cocher la formule de votre choix), alors qu'elle n'était amoureuse que de son Jésus.
Pour tenter de la séduire, je pris une apparence christique. Cheveux longs et gras, régime drastique pour être émacié, croix de bois brut sur l'épaule en écharde et couronne d'épines en casquette. J'allais corps et pieds nus, à l'exception d'un slip mode péplum que j'avais confectionné en sacrifiant un vieux drap presque blanc appartenant à ma grand-mère incontinente. J'avais parfait le portrait en me plantant des clous rouillés dans les mains et les pieds, après cinq jours, les stigmates, laissés par les plaies, étaient convaincants et le tétanos contracté handicapant. Je ne passais pas inaperçu dans la rue. Tous se retournaient sur moi, seule ma nonne ne semblait guère s'en soucier. Comment toucher une personne qui n'est pas parmi nous, en notre vulgaire Monde vulgaire ? Peut-être, en la touchant justement, tout simplement… ce que je fis !
Malheureusement ma timidité, ma maladresse fit que, quand, voulant la toucher pour en constater la réalité matérielle et mortelle, j'effleurai par mégarde d'inadvertance un de ses seins, lequel ? Je ne me souviens plus, un du devant assurément, cependant. Ce n'est pas facile avec ces bures qui cachent le corps à toutes les convoitises, d'en retrouver les formes, à se demander si ce n'en serait pas l'intention ?
J'attendais dans l'angoisse, suspendu à sa réaction. Elle rougit comme un citron, ce qui lui donna un teint olivâtre, puis un léger sourire énigmatique et ambigu, tel celui de Mona Lisa, dite « La Jobarde » modifia sa sérénité de piété. Elle me dit.
- Ce n'est pas désagréable d'être touchée, étonnant, curieux, étrange, certes, mais pas déplaisant. C'est la première fois qu'une présence me touche en dehors de la grâce, bien sûr !
- Je peux recommencer si vous le désirez ?
- N'allons pas trop vite en besogne, quand même, je suis sœur Magalie tout de même, pardi !
Elle n'était pas conne, ma nonne. Ce n'était pas fait mon histoire, mon aventure, ma conquête, mon amour.
- Peut-être que si je mettais des gants ?
- Oui… pourquoi pas… Des moufles, peut-être ?
Je demandais à ma mère de me tricoter une paire de moufles, elle fut surprise de ce nouvel engouement, mais le fit nonobstant, car c'était bien plus facile que de tricoter tous les doigts, surtout que j'en ai plusieurs. Les copains trouvèrent étrange que je vinsse les mains ainsi « emmimouflées », alors qu'il faisait une chaleur caniculaire, tentaculaire comme une pieuvre.
Je dis à ma nonne, une fois seul, de tête à claque à tête d'ange.
- Vous avez vu, mes moufles elles sont tricotées en laine de vigognes, il n'y a pas plus doux sur Terre.
Elle les toucha de ses doigts fins et délicats, puis dit de sa voix mélodieuse avec réverb et disto, plus un doigt d'écho pour le Sacré.
- C'est incroyable, même pour moi qui crois en tout, comme elles peuvent être douces au toucher ! On a l'impression de ne sentir que du vide.
Je touchais son corps.
- Ouais, c'est sûr qu'avec ma robe en grossière bure, cela n'opère plus. Attends, passe une main, par cette échancrure, tu y trouveras ma peau nue.
J'obéis, naturellement. Et je vis les traits sereins du visage de ma fée s'adoucir encore pour approcher de la béatitude transcendantale. Un contact charnel serait-il plus puissant que la caresse de l'esprit par une belle pensée ? Ce qui est certain, était que jamais initiée à de tels échanges, la belle découvrait des portes fermées, depuis trop longtemps, sur son corps. La sensualité est plus physique que mystique.
Nous fîmes l'amour, le soir même, pourquoi aurions-nous attendu le déluge ? J'étais puceau boutonneux, elle était pure vierge, ma sainte. Nous nous initièrent à l'amour réciproquement, mais dans le même élan singulier. Nous n'étions plus qu'un, en esprit comme en matière.
Après cette nouvelle aventure, vous pensez évidemment, que ma nonne allait quitter le couvent, les ordres, sa bure et sa cornette, ses curés, ses saints et tout le sacristain, son Jésus, son Dieu et ses croyances. Il n'en fut rien !
Par contre, je préparai mon entré au petit séminaire de Mireille pour épouser la vocation de prêtre et bientôt prononcer mes vœux de chasteté.
Je souligne comme je suis un romantique poétique que j'ai évité le piège facile de dire : « qu'elle était bonne ma bonne sœur ! » ou « elle était bonne ma nonne ! » Cela aurait été trop vulgaire pour ma sensibilité d'esthète, ma sensiblerie de curé à la pierre ponce.
Les hommes et les femmes de Dieu sont vraiment curieux ! Je te comprends lénervé : ))
· Il y a environ 6 ans ·julien-greco
Ils ne sont même pas bleus, c’est dire ! :o))
· Il y a environ 6 ans ·Hervé Lénervé
: ))
· Il y a environ 6 ans ·julien-greco
Beaucoup sont curieux, très peu sont curés. Mais ils sont tous incurables :)
· Il y a environ 6 ans ·Mario Pippo
Quelle imagination ! T'es vraiment doué ! Hilarant !!
· Il y a environ 6 ans ·Après cette magnifique prose, je veux simplement ajouter : "L'était pas folle la none ! "
Louve
Pas folle à lier la défroquée. :o))
· Il y a environ 6 ans ·Hervé Lénervé
C'est bien mignon, cette histoire de none...c'est beau l'innocence :)
· Il y a environ 6 ans ·marielesmots
Nous ne sommes que transcendance innocente face à l’immanence divine. Ça sonne drôlement bien et si ça se trouve, ça dit même quelque chose ? J’sais pas ! :o))
· Il y a environ 6 ans ·Hervé Lénervé
Ma soeur aime assez l'être.
· Il y a environ 6 ans ·yl5
La mienne qui a tout lu Sartre dans les grandes lignes, les titres des bouquins, quoi, préfère le néant. :o))
· Il y a environ 6 ans ·Hervé Lénervé
Haha! Je suis pliée de rire!!!
· Il y a environ 6 ans ·unrienlabime
Sadique ! Pour une fois, où je livre une histoire vécue d’amour pur et platonique si on y retire le sexe. :o))
· Il y a environ 6 ans ·Hervé Lénervé
Platonique tu trouves pas qu'il y a un truc qui cloche dans ce mot?
· Il y a environ 6 ans ·unrienlabime
Bien vu ! Ha, Ha !
· Il y a environ 6 ans ·Hervé Lénervé