Ma poule

Marie Cornaline

Tu voyais le monde en grand,
Voulais caresser ses contours,
Mais la vie impunément,
T'as enfermé dans une basse-cour.

Il me revient cette époque,
Où tu en couvais des rêves !
Des sérieux, des loufoques,
Des chaleurs plein la tête.

Mais trop de prises de becs,
Ont fini par t' brouiller les yeux,
Maintenant tu as le cœur sec,
Et le gésier bien trop noueux.


Alors je t'le dis ma poule,
Faut pas s'laisser aller,
Ça sert à quoi d'avoir des ailes,
Si tu (ne) peux pas voler ?

 

Je me souviens de ce type,
Fier comme un coq,
Que tu portais au fond des tripes,
Et lui rien dans le froc.

Tu lui as ouvert ton nid,
Il t'a laissée sur la paille,
Toi tu rêvais d' poussins de lui,
Et lui de se larder une caille. 

Tu en as laissé des plumes,
Des pluies de pleurs sous ton duvet,
Mais là c'est ton cerveau qui fume,
Faudrait penser  à oublier.

 

Alors  je te l'dis ma poule,
Faut pas s'laisser aller,
Ça sert à quoi d'avoir des ailes,
Si tu (ne) peux pas voler ?

 

Et puis aussi y'en a marre,
De patauger tous les jours,
Quand il fait un froid d'canard,
Comme quand viennent  les beaux jours. 

Tu t'attendais en signant,
A ne pas vraiment te gaver,
Mais là faut dire franchement,
T'as même pas de quoi picorer. 

Sors de ta cage,
Le travail c'est volatil,
Faut pas stresser sur la corde,
La vie ne tiens qu'à un fil.

 

Alors, je te l'dis ma poule,
Faut pas s'laisser aller,
Ça sert à quoi d'avoir des ailes,
Si tu (ne) peux pas voler ?

 

Quand il arrive des pépins,
Presse en de l'huile,
Ça glissera sur ton destin,
Sur ton toi frappé de tuiles. 

Et puis Cocotte ! Minute !
Prend pas ton cœur pour un faitout,
A force de mijoter tes peurs,
Elles vont te bouffer en ragoût. 

Et de tes vœux cassés,
Fais en une omelette,
Mêlée à tes oignons ça serait,
Juste du bonheur en  recette.

 

Vas-y ma poule,
On s' fout de la gravité.
Si tu portes des ailes,
C'est que tu peux voler.


Dessin : Eddy Loeuvrier

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