Ma terrasse

mylou32

Oh oui , je suis contente de vous dire qu'elle est plein sud! sous ses lames composite,nous l'avons construite nous-même,il y a des lambourdes et dessous un feutre pour ne pas que l'herbe pousse;elle a tout du confort:un transat à fleurs et une balancelle que mes enfants m'ont offert pour mes cinquante ans,en ce jour d'anniversaire il manquait des gens que j'aimais mais de cette terrasse j'avais une vue sur l'olivier de deux cent ans qui me disait que le temps passait et qu'il ne reviendrait jamais, l'olivier s'entourait de lavandes,chaque année la jardinerie du coin en faisait la promotion et depuis deux ans patiemment je les plantais pour voler un coin de provence,il ne manquait plus que les cygales! elles chanteraient que je ne les entendrais plus, entre la terrasse et l'olivier, il y avait un chemin fait de caillebottis,ce chemin se frayait une place dans le gazon qui poussait là où la tondeuse ne passerait plus. Allongée sur le transat,je comptais les pas, chacun était différent de l'autre,il y  en avait huit,et le dernier menait à sa terrasse;pas la mienne,la sienne,du même bois composite,des mêmes vis,du même contour au rebord doux où l'on pouvait poser un pied puis deux sans se blesser,entre les deux terrasses ,le long du chemin s'épanouissaient des giroflées,ponctuées de gaillardes et d'oeillets roses;des yeux je cherchais l'endroit où je planterais les piquets qui soutiendraient la rambarde où elle se tiendrait et qui la guiderait vers son chez elle,ce petit chez elle construit à la hâte,ce petit cocon que je lui avais amménagé pour l'accueillir,elle,la mal-aimée,la rejetée;quand ses genoux la lacheraient,elle se tiendrait ,le garde-corps devra être solide;il ne s'agissait pas de la faire tomber!,elle si fragile,qui avant d'être sénile,était la force tranquille.Enfin ,tranquille était exagérée!, je ressens encore ses doigts dans ma chevelure,ils s'agrippaient à mes boucles,les tiraient,les secouaient car je ne répondais pas ,je ne répondais plus:"Mireille me criait-elle,deux divisé par deux? est égal à ? combien?" je ne savais plus et je ne voulais plus savoir toute dans l'attente crispée du moment où j'allais avoir mal à nouveau.Difficile de réfléchir et le temps n'était plus à la division que je ne savais toujours pas quarante ans plus tard mais qui des deux s'en souciait le plus? je dirais personne,je refermais le tiroir de ma mémoire,elle,elle n'en avait plus,un jour j'étais sa soeur,un autre sa mère,dans quelques temps elle ne pourra plus se boutonner la veste,plus tard ne saura plus du tout qui je suis,mais elle était encore en vie et pour l'instant je savourais et humais à plein nez le dernier rosier planté entre nos deux maisons.

Ses volets étaient encore fermés par ce frais matin d'été,bientôt elle les remonterait et à travers la fenêtre,de ma terrasse,j'apercevrais sa frimousse sans dents me sourire et d'un petit mouvement de la tête me saluerait et ma mére retournerait à ses occupations et ses feuilletons suivis de son lit,et moi, mon regard se tournerait sur le massif de fleurs en boutons qui au moindres rayons de soleil s'ouvriraient pour dégager des fragances oubliées,en fermant les yeux,je les sentirai,sûre,sur ma terrasse plein sud.

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