Ma ville, la mutante.
Christophe Paris
Quand j'étais môme St Etienne évoquait pour moi l'opulence, le sexe et la découverte via un ouvrage qui la représentait à lui seul. Le catalogue Manufrance. Un Amazon avant l'heure, une caverne d'Ali Baba que je feuilletais sans rater une page. Certes il y avait des fusils mais aussi des fleurs un poil dénudées sur ce papier glacé que nous nous échangions à l'école, avec ces filles, voire ces vieilles, en sous-vêtements ou en gaines. Des jouets et plein de trucs bidules, le nirvana pour un ti normand perdu dans sa verte campagne. Le vert justement, qui prit le relais de mes premiers émois en émotions viriles façon club de foot à succès. Je n'aimais pas le bidule qui roule avec des types qui s'énervent derrière et pourtant j'aimais les verts. Sans doute pour faire comme tout le monde avec cette ville devenue Olympe du dieu foot. Plus grand encore je voyais cette citée saignée de ses mineurs, ces pâles gueules noires que l'on déversait à la benne, broyés par ce sacro-saint mot qui plaît tant au nantis : rentabilité. Un véritable Pompéi, visages en guise de lave, figés de détresse, de chômage et de déchirements familiaux.
Tout le monde la croyait morte, mais St Etienne est un Phoenix qui a su renaître de ses fonderies sans perdre son âme et retrouver bonne mine. Adulte, j'appréhendais un peu d'y venir côtoyer la grisaille, mais c'était pour suivre ma chérie. Je fit donc taire désarroi et frilosité après avoir tiré une tronche de trois pieds de long pendant le déménagement. En amour on ne compte pas, on encaisse. Depuis c'est la grande passion, pas avec ma chérie qui ne l'est plus, mais avec ma ville. Un « melting-pot » de lointain et de futur que chaque jour pétri comme un Rodin et sa glaise. Ici on ne court pas que derrière un ballon, ça bouge, ça musique, ça danse, ça crée et ça construit. Bien sûr il y a des quartiers pas toujours folichons, témoignages-cicatrices d'un jadis révolu, mais St Etienne city se refait le portrait. Façades démaquillées de pollutions, constructions liftées au design, installations artistiques au look contemporain métamorphosent sa gueule noire en visage lumineux. Il y a un ailleurs ici, quand je m'abrite sous l'arbre multicolore du parvis de la gare de Châteaucreux ou quand je regarde ces tabourets en forme de clous à la taille imposante. J'adore poser mes fesses sur leurs grosses têtes même si ça fait mal au cul après. Ça bouge autour, ça s'agite, ça vie. Parfois en attendant mon bus, je pense à Ben Hur en regardant les chevaux bleus qui m'emportent dans celui du ciel. J'oublie le job, je passe à la toge. Après je fais semblant de pouéter dans le pouet en bronze de Remi Jaquier en y faisant mon selphy quotidien. Je me dis que ma ville est en pointe quand je me mets bien dans l'axe de celle en verre du batiment Casino. Moche la marque, beau le bâtiment de l'âge de glace securit. A l'image de l'ilôt Grüner qui me fait penser à Mondrian. Ville et ciel s'y combattent en reflets dans un déluge de lignes, de verre et de jaune à la Van Gogh. Je souris tendrement, devant ce tout vieux tout sec à la gueule burinée de grisou, qui file à becqueter aux faux pigeons de fonte. Il est midi, je croise le Zenith devant qui même les colosses de métal de Yannick Vey se sentiraient grotesquement petits. Humains en quelque sorte. Restes de métal omniprésents sous toutes ses formes, mais pas uniquement. Comme ce souhait des habitants d'avoir des installations artistiques mêlant leur attachement à la campagne au modernisme citadin. Bois, métal et verre en parfaite osmose. Tiens en parlant de verre, marcher ça dessèche le bulbe et ça fait pas la peau douce pour les filles. Je commande une bière dans un rade naufragé à la déco d'un autre siècle. C'est tout plein de rides et de toux grasses la-dedans, du vieux de la vioque avec qui je converse et me marre parce que pire que des mômes. J'me fais chambrer, ils me mettent la pression sur mes cheveux longs couleur houblon et m'en payent une deuxième. Avec eux c'est une autre histoire de la ville qui coule dans mes neurones. Je les quitte tous potes. Oups j'ai plus l'habitude, suis un peu sur le fil et au-dessus de 0,5 mg , tiens j'vais aller me dégriser la matière du même nom avec un peu de zic, mais a donf. Le fil, salle de concert à la programmation hétéroclite et judicieuse me tamponne les tambours, j'en sors halluciné devant cette œuvre in situ aux néons blancs et fantomatiques « gimme shelter » pourtant si familière. Introspectif, visuellement impactant dans la nuit, mystique bien que réaliste. Bôôô et profond. Bon, time to get down, demain est un autre jour, j'irai sur les bords de Loire et déjeunerai avec les mômes au parc. Comme d'habitude ils piqueront leurs crise pour rester jusqu'à la fermeture et je les comprends même si je ne leur dis pas, il est trop fort le parc.
Le vert justement, qui prit le relais de mes premiers émois en émotions viriles façon club de foot à succès. Je n'aimais pas le bidule qui roule avec des types qui s'énervent derrière et pourtant j'aimais les verts. Sans doute pour faire comme tout le monde avec cette ville devenue Olympe du dieu foot.
· Il y a presque 10 ans ·Tout pareil...hihihi!!! Kissous
vividecateri
sympa, bravo
· Il y a presque 10 ans ·Sophie Marchand
merci sophie de ton passage et de ce gentil com , me suis beaucoup amusé à l'écrire en tout cas super exercice, devrait le faire sur le site :) je passe te lire d'ci mercredi bijes
· Il y a presque 10 ans ·Christophe Paris