Madame Alexandre Bernheim. La grand-mère
vividecateri
Marie doit passer l'après-midi chez sa grand-mère et elle s'ennuie.
Elle déteste cette chambre, trop triste, trop sombre, trop pleine de souvenirs.
Depuis que pépé est mort, ce n'est plus la même atmosphère chez mémé.
Marie, regarde sa grand-mère et espère de tout cœur qu'elle lui parle.
Qu'elle lui propose une promenade.
Elle est prostrée dans son fauteuil, les yeux dans le vague, les doigts croisés.
Elle a gardé son manteau. Ce n'est pas pour rester enfermée!
Elle est encore très belle, mais si triste, pense l'enfant.
Le visage de la vieille dame est sillonné de rides très fines.
Ses cheveux gris sont tressés et relevés en chignon.
Depuis son veuvage elle est toujours vêtue de noir ou de gris.
Avant, elle était toujours occupée. Toujours active comme une souris.
Lorsqu’elles traversaient la ville pour aller au jardin d' acclimatation.
La petite-fille se donnait bien du mal en essayant de la suivre.
La grand-mère ne marchait pas, elle trottait.
-Où courrez-vous ma bonne dame? demandait la gardienne de l'immeuble voisin .
Vous allez lui casser les jambes, à la petite!
Ces propos agaçaient l’enfant.
Elle accélérait le pas et dépassait sa grand-mère.
-Regardez la donzelle !
Mademoiselle est vexée. Attention fillette, tu vas te rompre le cou!
Marie déteste cette femme, cette affreuse pipelette.
Cette vieille chipie parle trop. Elles a la bouche remplie de méchancetés.
Maintenant les sorties ne font plus au parc, mais…on va au "cimetière".
- On y va ma fille? Demande la grand-mère.
Il faut déposer des fleurs sur le caveau de pépé.
Aller au cimetière ce n'est déjà pas drôle.
Porter les chrysanthèmes, bon, faut bien aider mémé.
Mais le pire.
Horreur et putréfaction. Il faut changer l'eau de l'affreux vase.
Marie sourit discrètement. Un vase qui empeste la vase.
Faut que je note cela dans mon journal. Pense-t-elle.
Et les voilà en route vers le tombeau.
On se croirait à un enterrement.
Grand-mère marche lentement ou c'est moi qui suis trop rapide? Se demande Marie.
Quand elle passent devant l'église.
Elles rencontrent les grenouilles de bénitier du quartier.
Tout le monde se saluent.
- Bandes d'hypocrites… Faites les polies et puis allez cancaner ou plutôt coasser, chuchote la grand-mère.
Marie éclate de rire. Enfin elle retrouve l' esprit de sa mémé!
La grand-mère ne fait pas partie de ce cercle.
Marie les trouve antipathiques et laides.
Elles camouflent leur embonpoint dans des corsets qui les étouffent.
Elles ont des yeux de fouines, des nez à verrues, des points noirs et du poil au menton.
A l’office du dimanche, elles portent des chapeaux ridicules.
- Pourquoi tu ne vas plus à la messe mémé ?
-Tu es trop jeune pour comprendre.
L’enfant n'accepte pas cette réplique.
Elle désire une réponse à toutes ses questions.
Et puis elle n'est plus si jeune que cela!
Dix ans! Cela compte!
- Alors! Pourquoi moi, suis-je obligée d’y aller ?
C’est ennuyeux la messe.
Je passe mon temps à regarder les vitraux et les images de mon missel.
Je ne comprend pas ce que le curé raconte.
On parle tout bas avec mon amie Agnès
On se moque des enfants de chœur, ils sont d'un niais!
Tu peux pas savoir et boutonneux avec cela…Pouah!.
On fait des grimaces aux garçons.
L’organiste joue et chante faux, une girouette fredonnerait mieux.
La paille des chaises me blesse les genoux.
J’ai froid aux pieds. L’odeur de l’encens me rend malade.
Je crève de faim et mon ventre crie tellement famine que tout le monde me regarde et je meurs de honte.
Et…
La grand -mère s'arrête pile
-C’est fini cette litanie ?
-Non, j’en ai marre de me lever tôt le dimanche.
De ne pas prendre de petit-déjeuner parce que je dois communier.
Marre de marcher pendant une heure, et de me geler les fesses en hiver pour aller à l’église.
La grand-mère hausse les épaules, fronce les sourcils et dit à l'enfant:
-Tu dois y aller, c’est ainsi.
-Tu as fait ta communion mémé?
-Oui, comme tout le monde.
-Alors pourquoi tu ne vas plus à la messe ?
Tu es obligée, d'après ce que le curé raconte:
"Si tu ne tiens pas ta promesse, tu feras un péché mortel"
C'est dangereux! Mémé!
la grand-mère soupire, pose la main sur l’épaule de l’enfant.
- Ma chérie, quand tu verras le curé tu lui répéteras ceci de ma part.
- "Dans la vie, il y a un temps pour ne rien dire.
Il y a un temps pour parler, mais il n’y a pas un temps pour tout dire".
La gamine pensa, qu’à la course, elle pourrait battre sa grand-mère, mais pas aux adages.