Torse de femme-Un souci d'aimer

Rose Marie Calmet

Nouvelle, poésie, contemplation, réappropriation.

        L'unique peau de la toile s'évapore.                                             Le cadrage massif de ma nudité n'altère en rien la douceur de mes yeux. Les bras ronds, légèrement repliés sur eux-mêmes, trahissent une appréhension masquée, que révèlent les couleurs pudiques des alentours. Un parfait cercle, tracé au compas, aurait suffi pour circonscrire mon sein nu. Je m'étonne de le voir si rondelet, plus que jamais, rose en milieu de soir, comme le nuage candide pallie la nuit.

        Le noir est ailleurs que dans la couleur. Il est dans un air de reproche envers celui qui l'a peinte. Il croît dans une moue d'incertitude fondée sur le reflet d'une absence opaque, qui n'est pourtant qu'illusion dans l'aspect fragilement contrasté de ma vue.

        Je suis rigide. Autant dire, que peindre un vase, aurait été chose beaucoup plus ardue, car il semble que mon front ait été tiré à cet effet, d'un seul trait mauvais. Mon avant-bras a une régularité qui m'effraie. Suis-je aussi délimitée dans la vraie vie? Ne laisserais-je pas moins d'austérité au-delà de ma mort. Aristote l'aurait prédit lui-même, cette matière d'art convoquée au déclin du jour sera, contra naturam, l'échéance funèbre avant la vie; d'un bout à l'autre, Maître a décelé la peur qui me fige en bon modèle.

        Je n'aime pas mes cheveux. Ils subissent une allure si confuse, presque ridicule, comme si des commères sourdes et muettes, tapies dans l'ombre des rideaux jaunes, se seraient moquées de leur teinte rousse. Ce rayon de feu, à peine orangé, aiguise encore une sorte de mauvais jugement en moi. De quel droit concurrencerais-je l'or ? Par de simples mèches relevées, je soulève un égotisme qui me déplait jusqu'aux maux de coeur. Cela ne paraît pas me ressembler.

        Moi, poser ? Les gens à l'extérieur qui regardent ma bouche inégale, peuvent me faire à présent mille torts. J'espère que quelqu'un d'un peu tendre, saura me faire du Bien.

        J'attends des bras qui m'enserrent pour me conter l'insolite place que j'acquiers dans l'univers du vide et de l'inconnue finitude. J'attends une contemplation qui sait mieux que moi épouser les formes de mon unicité.

Je ne m'apprécie guère,

Ce que Maître semble avoir exhaussé en ne me suivant qu'à moitié.

J'aimerais renaître,

Quant à m'extraire de ses coups qui me blessent, me présenter une fois pour toute à moi-même:

"Torse de femme, bonsoir, mon nom que tu oses quêter depuis l'aube est: Confiance."

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