Magsouille

Farid Adafer

 

Magsouille

 

C'est comme un concert de jazz qui s'ouvre sur des nouvelles notes, jamais imprimées. Tout est calme, lointain, indéfini, et en même temps d'une sublime attente. Les corps sont arrêtés, le temps a figé le grand rayon de soleil qui traversait cette chambre. Le grand cercle de lumière crue qui accompagne tes premiers soubresauts absorbe tout autour, les faces sont comme des ballons rangés dans des coins, l'espace est habillé de couleurs inédites qui se nuancent puis s'évaporent.

Il y a ici, le centre d'un tout qui me rappelle à toi, invisibilité des sens qui s'étire en volutes centrifuges. N'y aurait-il dix vagues qui viennent de l'Orient, qu'on ne les remarquerait pas, le vacarme extérieur s'est arrêté aux portes battantes, lourdes et souples à la fois qui nous capitonnent dans cette cité du miracle.

Soudain, en un rien de temps, il y a ce petit corps qui pointe son doigt vers une bouche toute émoustillée de venir colmater les premières brèches d'air. Et cet œil encore hagard, palpe son ouverture, sur toute cette nouveauté. Le premier cillement, est lourd, palpitant, …., il cherche un repère filial, tout engourdi dans une peau qui se détend d'avoir acquittée sa pénombre doucereuse et active.

 

Ah, l'accelerando, le changement !!!

Tout d'un coup, ce sont toutes ces cachettes mécanisées que tu découvres comme autant de fictions révélées : ah d'accord, oh la la, et mais cette maison ne fait que chavirer !

 

/ Quel sont donc ces sentiments nouveaux que j'éprouve comme autant de couleurs troubles emportées  dans des cadres imprécis. Où est mon équipe, mon bateau ?  Ah ces deux tentacules presque messianiques me semblent si familières, cette voix aussi, rocailleuse et bienveillante, je l'ai déjà entendue bien des fois chanter, vaciller,vociférer.. Je parierai sur un membre de mon équipe. Sinon, c'est bien dommage. Si, il le faut, il le faut ! C'est sûr, ce « papa, papa, il est là.. », passé en boucle, combien de fois ne l'ai je entendu, a la fois rassurant et omniprésent, comme une musique apprivoisée qu'on retient et qu'on emporte en garde-manger.

Ah mais non, que font-ils, pourquoi me prennent ils ces inconnus tout de vert, ils m'inquiètent, je veux ma voix, je veux par dessus tout ma matrice ! Je vais crier, crisser mon envie par les pores de ma nouvelle peau, tiens et je vais expulser ma rage, pousser de tous les cotés. Arrrhhhh : ah mais qu'est-ce donc, je m'entends moi-même, est-ce moi qui extirpe ce son strident semblable à une craie rayée sur un mur, puissance dix  ?

Mais c 'est fabuleux : je peux crier mon désarroi, désapprouver, me rouler aussi de tous les côtés dans cet air si froid et si ouvert. Tiens mes mécanismes à moi aussi s'agitent, battent des ailes. Qui aurait dit que dehors aussi, ça pouvait être amusant.

Tiens pour toi, la girafe toute auréolée de vert, toi je t'ai repérée tout de suite, toi qui tente de me séparer de mon repère vocal et de ma matrice. Et pour toi aussi. Vous allez tâter de ma nouvelle mécanique. Connaissez la trajectoire de l'héliotrope ? Ma voix m'en a parlé...Ah bas eh oui, voilà, quand on s'y risque, on s'frotte et on s'mouille ahahaaha. Tiens pour toi aussi, qui tente de me poser, je ne sais pour quelle raison, dans cette nacelle et qui regarde cette aiguille qui vacille, tu crois que j'ai ça a faire que de tester ma peau fraiche sur cet axe d'acier ? Mon équipe est là à coté, en train de me réclamer, je pourrai les entendre parmi des millions dans ce nouvel espace. Sais tu quel jour nous sommes ?

Ah, tout est à la fois trop et pas assez, il va falloir que je repasse plusieurs fois derrière mes impressions, pour les repasser au tamis de ma petite réflexion. Toutes ces  petites gesticulations primaires sont certes salvatrices pour  ma petite tuyauterie, mais de grâce, rendez moi ma matrice, mon éternel écrin, la source de mon tout, tel le rayon dans lequel je vais m'épuiser continuellement, celui qui décidera de tout.

Ah, bonheur, réjouissance, félicité : j'ai fini par me débarrasser de ces parasites. Il va falloir que j'utilise ma force vocale pour me faire respecter. Ils ont bien compris...Ah, je reviens  me lover dans ma matrice préférée, et je cajolerai tous les moments comme celui-là. Je redécouvre le bonheur que je connaissais, mais tout est amplifié, la manière que tu as de mettre tes mains dans les miennes, de me prendre le visage avec une infinie délicatesse, je veux te dire tout ma « ma-man » « ma-man », c'est comme cela que le repère vocal t'appelle. Ne sachant encore comment faire pour éviter de vociférer, regarde donc comment je cligne des yeux pour toi, tu sais pour moi, c'est un exercice comparable à un gros gros effort. Je mets mon doigt comme ça vers ma bouche pour t'envoyer  un message d'amour, tu le vois ? Maintenant, je suis apaisé, je peux aller dorer avec les autres, je sais que vous êtes là, bienveillants, mon équipe à moi. Posez moi donc ou vous voulez du moment que ma matrice et mon repère vocal m'entourent. Ah sur ce chariot mobile, oui pas terrible, comme vous voulez...

Je suis là, maintenant dégagé des improbabilités, des incertitudes. Il faut aussi que je cajole mon équipe qui en a bien besoin, semble-t-il dans leur fatigue heureuse.

  /Tiens mon Magsouille, je te mets ton bonnet, tu peux fermer les yeux sur ce premier jour plein de promesses.

 F.ADAFER

 

 

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