Méfions-nous des phrases toutes faites

le-fox

Toutes des garces, sauf maman ?

Avant de proférer ce genre de faribole, il conviendrait de se pencher sur chaque cas particulier, lesquels, si l’on en croit la ‘pataphysique et mon dentiste, sont infiniment plus instructifs que le cas général, et encore mon dentiste ne parle-t-il que de ma prémolaire.  
Prenons notre bon roi François, par exemple. On conte que sa boulimie orgasmique renversait les limites du commun, et qu’il ne passait point tétinet à sa portée qu’il ne souhaitât téter. L’exemple venant de haut, il n’était personne à la Cour, du page au prince, qui n’allât dans le déduit plus souvent qu’à son tour. Quant aux dames, lorsqu’elles ne suivaient pas le mouvement, elles le précédaient, allant pour les plus vicelardes jusqu’à procéder à la résurrection des barbons les plus austères, leur débarbouillant d’une croupe mutine leurs flûtes recroquevillées depuis lurette dedans le haut-de-chausse.
Que pensait donc, de tout ceci, la digne mère du roi ?
Eh bien, parlons-en, de sa digne mère, justement. Et remontons pour cela quelque peu dans le temps, très exactement en l’an 1506, aux fiançailles de François et de Claude de France. Louise de Savoie, puisqu’il faut bien la nommer, porte gaillardement ses vingt-huit ans, ainsi que bon nombre de sobriquets, tels que « tireuse de vinaigre », « pèlerine de Vénus », ou « blanchisseuse de tuyaux de pipe » ; bref, comme rôtisseuse de balais, on s’accorde à dire qu’elle vaut son pesant de croissants au beurre.
Dans l’assistance, elle remarque un jeune homme de seize printemps, qu’elle trouve fort à son goût, et dès lors ne suit plus la cérémonie que d’une oreille assez distraite, tant lui démange le corbillon. Dès celle-ci achevée, elle fonce bille en tête vers l’objet de son penchant et, la timidité ne semblant pas l’étouffer se lance dans un gringue à peine camouflé. Certes, le XVIè siècle naissant conserve du Moyen Age cette saine façon de s’exprimer qui évite bien des complexes ; toutefois, elle use de circonlocutions. Charles VIII n’a pas eu d’enfant mâle, hélas, non plus que Louis XII ; ce qui place son fiston à elle, François, à toucher du doigt la Couronne. Et n’a-t-on pas vu, par le passé, accéder à la charge de connétable de biens jeunes gens ?
Charles de Bourbon, s’il est joli garçon a également oublié d’être sot. Sitôt le souper avalé, et le rot postprandial expédié discrètement aux pâquerettes, le voilà à s’ébattre dans le lit rococo de la dame, bien que pour le style du lit, je ne sois pas absolument certain. Le meuble ayant été perdu, on ne peut que se risquer dans les conjectures.
Peccadille ? Caprice sans conséquence ? Pas sûr…
Bingo : 1515 arrive, François devient Premier, et Charles, connétable de France. Tout content, il se précipite chez la reine mère toute neuve, et lui prouve sa reconnaissance de la façon qu’on sait. Et là, bévue, Louise se monte un bourrichon ; si ce garnement, fortune faite, retourne à sa couche pour y goûter les plaisirs, ne serait-ce donc point qu’il l’aime ? Ce en quoi, elle se fourre le doigt dans l’œil en passant par le fondement, ce qui ne semble pas la gêner, puisqu’elle se met en tête de l’épouser. Drôle d’idée, étant donné qu’il est déjà marié. Peu importe : Suzanne de Bourbon est tant souffreteuse qu’elle ne saurait faire usage encore bien longtemps. De fait, elle meurt en 1521, laissant à son mari un héritage considérable et des regrets mitigés. Aussitôt, l’autre agitée de la touffe se rue dans la brèche ; pour entendre Charles lui susurrer délicatement que tant qu’il s’agit de jouer à la main chaude, gi, mais que pour le marida, polop.
Le désespoir est tel qu’elle part dans les pommes illico. Pas longtemps. Très vite, elle reprend du poil de la bête, et folle de rage, décide de ruiner son ancien amant. Elle va trouver son fils, et lui fait remarquer incidemment qu’une clause signée par Charles VII prévoit que tous les biens des Bourbon doivent revenir à la couronne faute d’héritier mâle. Suzanne n’ayant pas eu d’enfant du tout, son testament s’en trouve ipso facto invalidé. François remercie sa mère, fait mettre les biens de Charles sous séquestre – il ne s’agit rien moins que du Bourbonnais, du Forez, du Beaujolais, de l’Auvergne et de la Marche – et s’en retourne à l’alcôve, où Mme de Châteaubriant l’attend à cuisses ouvertes. En oubliant de vérifier ce que Louise, distraite sans doute, a omis de lui préciser, à savoir que ladite clause avait été annulée depuis par Charles VIII, ce qui rendait le testament tout à fait valable.
Après onze mois d’un procès inique, Charles est dépouillé de ses biens. C’est la goutte qui fait déborder la chope en envoyant gicler la mousse ; ruiné, poursuivi, menacé d’arrestation, il ne lui reste qu’à fuir tout droit chez Charles Quint.
On connaît la suite. A la bigorne de Pavie, le connétable de Bourbon flanque la raclée de son existence à l’armée française. Le roi, prisonnier de l’Espagnol, ne devra sa libération qu’au prix du désastreux traité de Madrid. Et tout ça, à cause de quoi ? Du dérèglement glandulaire de madame Mère. Moi je dis : y’a de l’abus.
Alors, quand j’entends quelqu’un mettre d’entrée sa maman hors du coup lorsque d’aventure la conversation dévie sur les excès du comportement féminin, j’ai envie d’y aller au cri. Non, messieurs, aucune n’est innocente, et c’est se voiler la face que de le croire ! Renseignez-vous : une courte biographie maternelle, à ce sujet, saura éclairer les plus égarés.  
(Il va de soi que ce texte ne s’adresse pas à ma mère à moi, qui ne saurait en aucun cas être mise en cause…).  

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