Mercredi 22 mai 2013
Paul Stendhal
Mercredi 22 mai 2013
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Depuis quelques jours, il ne dormait plus. Assis devant son bureau, ce mercredi à quatre heures du matin, il lisait et relisait la dernière lettre qu’elle lui avait envoyée. La nuit était froide, et sa vieille veste polaire élimée ne le réchauffait pas. Il se servit un thé. Il aurait voulu qu’elle soit là pour le partager avec elle, rire avec elle, lui dire des mots simples et doux comme cette musique de Mozart qu’il écoutait. Il alluma une cigarette, et s’imagina que s’il avait dû répondre à son dernier mail, il lui aurait dit qu’à force de se persuader d’une chose on finissait par s’en convaincre, et que parfois les fausses certitudes pouvaient conduire un homme innocent à se retrouver accusé à tort, condamné sans recours à avoir « la tête tranchée », et exécuté sans délai ! Sa faute, l’avoir simplement aimée d’un cœur sincère et « pur ». Il lui aurait dit que sa conviction était devenue pour elle le seul moyen de préserver la confiance des siens, en épargnant le calme et la tranquillité de sa famille, et en sacrifiant la vérité de ses sentiments sur l’autel de l’amour. Il ne lui parlerait pas de sa douleur, ni de l’humiliation de certains de ses propos, ni de la peine qu’il avait ressentie, car il savait qu’il y avait des cas où une femme devait savoir être suffisamment forte quand elle pensait qu’il n’y avait pas d’autre solution. Il lui dirait sûrement qu’elle avait été un peu vite pour ainsi le lâcher en pâture à la vindicte publique et décider de lui adresser ses adieux en lui demandant de ne plus jamais la contacter. Il penserait peut-être que son amour n’avait tenu qu’à un fil et n’était pas aussi véritable qu’elle l’avait prétendu, et qu’il l’avait cru, mais il s’y refusait et se morigénait, car il espérait au fond de lui qu’elle avait été sincère.
Le concerto pour violon avait fini, Thaïs la petite chatte dormait paisiblement sur le lit, dehors le crépuscule du jour prolongeait le silence qui régnait, et seul assis devant son bureau, une cigarette allumée, il était simplement heureux d’avoir passé une heure en sa compagnie, en imaginant la douceur de son souris et la lumière de son regard. Secrètement il se mit à espérer en son cœur qu’elle pensait à lui aussi, et que bien vite elle le lui dirait, en lui racontant l’histoire de ces deux jeunes enfants - allongés côte à côte dans l’herbe du pré parmi les bleuets les jonquilles et les coquelicots au bas de la montagne, les pieds dans l’eau de la rivière où les truites fraient en paix, - regardant voler libres et heureux les oiseaux dans un ciel bleu et ensoleillé, et qui en se donnant la main vivaient un simple bonheur ! Oui, il espérait que bientôt elle aurait envie de le joindre pour partager avec lui ce beau conte, dans la vérité de ses sentiments et la liberté de son cœur. Ce soir, il essaierait de trouver le sommeil, et s’il y parvenait, il savait qu’il rêverait. Dans cet espoir, il voulait "Croire" que quelque part, où qu’elle se trouvait, elle pensait à lui avec autant de sincérité.
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L'endormissement comme possibilité d'atteindre la vérité d'une sensation, c'est très proustien, et en cela je rejoins l'un des commentaires qui est allé dans ce sens. La déformation du sommeil est toujours cohérente quand elle procède d'une cristallisation, et ce n'est pas à celui qui s'appelle Paul Stendhal qu'on apprendra les principes de ceci.
· Il y a plus de 10 ans ·jean-baptiste-machen
Bonsoir Jean-Baptiste,
· Il y a plus de 10 ans ·"Longtemps je me suis couché de bonne heure", cet 'incipit de "Du côté de chez Swann", premier tome du roman "À la recherche du temps perdu", résonne encore et encore en moi, à l'exception que la bonne heure était et reste encore à ce jour, plutôt celle de six ou sept heures du matin, en ce qui me concerne !
Quant au concept de la cristallisation "Stendhalienne", je ne peux que saluer avec un immense respect le "Professeur" émérite que vous êtes, pour saisir et comprendre aussi justement le présent texte.
Je vous remercie très sincèrement pour cet éloge en guise de clin d’œil !
À bientôt de vous lire.
Bien amicalement.
Paul Stendhal
Paul Stendhal
Bonsoir, et un grand merci à vous Franek et Koumi pour vos gentils commentaires.
· Il y a plus de 11 ans ·Bien amicalement.
Paul Stendhal
Paul Stendhal
bel hommage tout en sensibilité et simplicité
· Il y a plus de 11 ans ·franek
Je te remercie sincèrement Stéphan Mary.
· Il y a plus de 11 ans ·Paul Stendhal
Paul Stendhal
Merci Paul pour ton/votre commentaire. Merci de la compréhension inhérente à et de l'absolu
· Il y a plus de 11 ans ·Stéphan Mary
Cher Paul,
· Il y a plus de 11 ans ·je compatis à ta souffrance et me permets de te donner un conseil : ouvre au hasard "La Recherche du temps perdu". Tu seras scotché par la co¨¨incidence entre tes ét^^ats d'^^ame et ceux du Grand Marcel.
Amicalement
Koumi
koumi
Bonjour Stephan Mary,
· Il y a plus de 11 ans ·Un texte douloureux et sensible que le vôtre, et qui me laisse pantois, tant il est fort ! Alors je veux vous répondre par une chanson, celle qui aurait pu être la sienne, la vôtre, mais qui actuellement est la mienne :
http://youtu.be/mknTVSRUlyw
http://youtu.be/F86_5kMFvLE
Une larme coule, le regard troublé vers le bleu du ciel, il vit, mais sans elle il est mort ! Il n'y a plus ni facebook, ni téléphone, ni mail, juste une immense souffrance, il est seul et il l'aime ! Il est mort dans sa vie, mais il respire le soleil quand il brille !
Je vous remercie de vous pour ce plus que troublant témoignage, qui me laisse sans voix !!
Je vous souhaite une belle fin de journée.
Paul Stendhal
Paul Stendhal
Beau texte qui n'est pas sans m'évoquer une nouvelle dont je te laisse le lien. Amicalement
· Il y a plus de 11 ans ·Stéphan Mary
Re-bonjour Nicole,
· Il y a plus de 11 ans ·Je n'ai pas d'autre mot que "merci".
Je t'embrasse aussi avec beaucoup de tendresse.
Pascal
Paul Stendhal
Bonjour Pascal,
· Il y a plus de 11 ans ·Si cela n'est pas un vibrant hommage pour Pascal... Que dire de plus ! Nous sommes très sensibles mais savons trouver les mots qu'il faut. Merci infiniment Pascal.
Je t'embrasse avec tendresse.
Nicole
nilo
Bonjour Nicole,
· Il y a plus de 11 ans ·Comme beaucoup ici, j'appréciais l'écriture de Pascal, et tant ses textes, que ses commentaires, vont cruellement nous faire défaut ! Je ne suis pas "doué" pour les éloges, car je suis trop sensible, mais je partage la peine et la souffrance de ses proches et de ses amis, et comme l'a écrit Alphonse de Lamartine : «Un seul être vous manque et tout est dépeuplé.».
Je te remercie Nicole de ton émouvant témoignage, qui me touche profondément, et si tu me le permets, je pleure avec toi et avec tous ceux qui ont aimé "Pascal GERMANAUD".
Je t'embrasse de tout coeur.
Pascal (Paul Stendhal)
Paul Stendhal
C'est un beau texte Paul, il pourrai convenir à Pascal Germanaud mon cousin disparu ce 28 mai.
· Il y a plus de 11 ans ·Il va terriblement nous manquer !
nilo