Mes petites fugues

Sophie Marchand

à 16 ans, respirer un parfum de liberté et prendre la route sur les traces d’un écrivain

Mes premières escapades, ce fut enfant, à vélo, quand je  m'évadais vers le village voisin, le village d'enfance de ma mère. Je traversais une grande plaine recouverte de blé, de bleuets et de coquelicots (avant qu'ils ne disparaissent des cultures) dont je ne me privais pas de faire des bouquets, le vélo abandonné en bord de route. Je ne rencontrais aucun véhicule la plupart du temps. Plus tard, cette plaine s'est transformée en zone artisanale avec une zone de fret, des abattoirs et une "prison modèle".

Puis à 16 ans, j'ai respiré un parfum de liberté et pris la route sur les traces d'un écrivain.
Ce fut Jean-Pierre Chabrol et son livre «L'embellie».
J'y avais découvert le front populaire, l'enthousiasme des premiers congés payés avec les départs en vacances vers le sud, les Cévennes, Alès….
J'étais sous le charme et j'avais communiqué à ma sœur aînée mon enthousiasme.
Je rêvais d'Alès et des Cévennes comme du paradis.
A cette époque j'avais lu également Pagnol, Giono, accédé par les livres à une nature « sauvage » qui m'enchantait.
Nous avions décidé d'aller jusqu'à Alès en... auto stop.
Nos parents n'étaient pas au courant que nous partions à l'aventure avec la tente dans nos bagages. Nous leur avions raconté une toute autre histoire.

Avoir pour la première fois, l'impression de prendre son destin en main.
Se croire dans un road movie avec son lot de rencontres plus ou moins saugrenues, la vision d'un exhibitionniste par une porte entrouverte, plus tard, ma sœur aînée au prise avec un conducteur qui lui caressait la cuisse, n'osant rien dire de peur qu'il nous plante sur l'autoroute et se servant de la pancarte que nous avions utilisée pour faire du stop, pour se protéger de lui. Pendant ce temps moi, à l'arrière de la voiture, je ne m'apercevais de rien, sur un petit nuage de bonheur en découvrant sans doute pour la première fois Gershwin et le jazz que diffusait l'auto radio.
L'aspect sauvage des Cévennes, pas trop vu cette fois-ci, Alès sans la prose de Chabrol, un peu décevant.

Est resté l'attrait pour cette sensation de liberté de mouvement et de pensée qui permet une disponibilité au présent, cet enchantement, un imaginaire en roue libre, l'esprit n'étant plus envahi par les contraintes du quotidien, les servitudes subies ou choisies.

Et toujours intact le plaisir de cheminer seule, que ce soit sur des sentiers en pleine nature, dans une ville inconnue, ou dans un pays lointain, à l'écoute de mes désirs et de mes émotions.


NB : j'aime beaucoup cette photo de ma mère à 18 ans :)


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