Miss Smith vs Miss Jordan

Jc Delbert

Sortant d’un vernissage en plein Williamsburg, Brooklyn, Miss Stan Smith fait une rencontre explosive. Sur le trottoir d’en face, munie d’un poste radio, Miss Air Jordan.

Entre les deux icônes, le torchon brûle depuis que la plus jeune a pris la scène sportive d'assaut.


"Hello Air" lâcha Stan, le regard déjà menaçant.

"Salut Stan, tu es de retour? C'a été ton lifting?" rétorqua Air.

"Visiblement, tu n'as pas grandi. La classe, cela ne t'évoque toujours rien?"

"Je t'emmerde Stan. Tu n'as aucun style et tu me parles de classe?! Venant d'une meuf qui n'a de succès qu'auprès des bobos français, laisse-moi rire !"

"Quel manque de maturité. Tu n'es pourtant plus si jeune Air?! Ton style ne répond qu'à ton besoin d'artifices pour tenter de rester au top. Tu me fais de la peine. En réalité, tu ne supportes pas que je puisse prendre quelques rides tout en restant belle et naturelle. Mais les fans, eux, ne s'y trompent pas."


Vexée, Air s'emporta :

"Je ne doute pas que tu ais des fans. D'ailleurs, tu les prends de plus en plus jeunes! Une vraie cougar cette chère Stan! Mais moi, au moins, je suis toujours sportive !"


Sereine, Stan répliqua :

"En effet, je suis plus ouverte. J'aime l'art contemporain, la peinture, le théâtre et la musique ! J'ai même eu un léger penchant pour le métal. J'ai découvert d'autres cultures, et je te conseille d'en faire autant... parce que le hip-hop et le basketball, ma p'tite Air, c'est bien joli, mais tu ne feras pas toute ta vie avec ça !"

"Arrête avec tes leçons de morale ! C'que tu es jalouse ! Tu n'as jamais supporté ma liberté, ma capacité à changer de style. La réalité, c'est que tu n'évolues pas avec ton temps Stan, alors que moi, je lui impose ma tendance ! Tu es nostalgique d'une époque révolue depuis 40 ans et tu me hais parce que j'ai su prendre le relais ! Méfie-toi, d'ici peu, je vais venir faire un tour dans tes salles d'expos, et je me ferai un malin plaisir de leur montrer la dernière mode à tes bobos prétentieux !"


Et alors que les deux chaussures s'apprêtaient à en venir aux mains, une silhouette interrompit les débats.

Résidente du quartier, la doyenne, All Star vint à leur rencontre :

"Ecoutez les filles, j'en ai croisé des p'tites pétasses qui se rêvaient Super Star. Et j'peux pas m'empêcher d'vous rappeler quelques fondamentaux."


Fixant de son regard expérimenté les deux bélligérantes, All Star poursuivit sèchement :

"Toi, Stan, t'as bien failli t'appeler Robert Haillet. Et toi, Air, si t'avais pas pris 20 cm au lycée, personne t'aurait donné ta chance. Alors, estimez-vous heureuses d'être devenues ce que vous êtes car vous le devez à votre public ! C'est un privilège de marquer autant de gamins rêvant de devenir artiste ou sportif ! Tous ces passionnés qui vous permettent de payer vos fringues et votre botox !"


Et All Star conclut en s'éloignant :

"Et n'oubliez pas, la patronne, c'est moi. A la prochaine crise, je vous vulcanise."


Stan, gênée, enlaça Air, sa meilleure ennemie.

Elles firent la paix et s'en allèrent... l'une à droite, l'autre à gauche...


JC DELBERT


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