Moi, Tarzan !

Hervé Lénervé

Je ne me souviens plus si je vous l’ai déjà raconté la fois, quand j’ai été Tarzan.

« Passe ton chemin, gros mytho, on les connait toutes tes histoires à la mord moi l'pied ! »

D'abord, je ne suis pas gros, je fais très attention à ma ligne en évitant de manger trop n'importe quoi et ensuite, je ne mélange mes fantasmes à la réalité que dans la moitié d'un tiers des généralités d'un quart de la population. En bref, je reste dans les clous des 3% de la mythomanie acceptable pour pimenter un banal quotidien, chiant à mourir ou à pleurer si vous êtes plus sensibles que sensés.

Cette précision méritait à être signalée.

Donc, j'étais en voyage en Afrique Noire, grâce à un tour opérateur, un voyage organisé toutes options, quoi ! Sécurisé par Mondiale Assistance et sponsorisé par Alstom pour garder notre Afrique primitive propre de toute pollution en favorisant une énergie palliative nucléaire. Nous évoluions dans un car de brousse, un Renault des champs, quoi, à ne pas confondre avec un Renaud Séchan, rien à voir.

Tout se passait bien, la brousse à sa place, les insectes gros comme des oiseaux à la leur et nous, les touristes, appareils photo, dernière technologie, au cou et banane fluo, dernière génération, à la ceinture, au milieu de tout ce qu'on n'a rien à y faire.

La Brousse, les odeurs, la moiteur, la peur… la peur des cris effrayants des bestioles d'abord, puis les bestioles en personne, ensuite, encore plus effrayantes que leurs pauvres miaous et greuhgneugneux.

Putain, les bestioles, elles ne sont pas sauvages dans leur réserve, elles se sont habituées à l'être humain en prenant l'habitude d'en prélever un de temps en temps. Mais, tout cela, dans des proportions acceptables et raisonnables. De plus ce sont toujours les autochtones qui se font bequ'ter, car ils ont oublié de s'abonner à Mondiale Assistance, donc moindre perte.

Donc, me voilà, moi, aussi déplacé dans ce milieu qu'un anchois à l'huile d'olive échoué dans un Kouign-mia-miam breton au beurre, pourtant je m'y sentais à l'aise, je me sentais fort, je me sentais en accord avec la Nature, la vraie, la rude, celle de la loi du plus fort, la loi de la jungle, quoi.

Quand, au cinquième jour, du périple d'aventuriers en charentaise, je me suis fait enlever par une tribu de gorilles en vadrouille de villégiatures. Ils m'ont emporté sous le bras, les bestioles, comme si je n'étais qu'une simple babiole, achetée à la va-vite dans un vide grenier.

Chez lui, quand on partage son quotidien, le gorille est collant et a une tendance affective qui peut nous sembler excessive, à nous, les dénaturés qui cultivons une certaine réserve quant à nos sentiments et une distance respectable à l'halitose. Car, ce n'est pas pour critiquer, mais le gorille put grave de la gueule.

Bref, je me suis fait sodomiser pendant une semaine par tous les mâles en rut et même quelques femelles qui devaient avoir un sérieux problème avec leur appartenance sexuelle.

J'oserais vous l'avouer ce ne fut pas une partie de plaisir, car le grand mâle a des pratiques, pour le moins, des moins poétiques en amour, ce n'est pas un romantique sur le retour.

Réduits à ma plus simple expression, je n'en menais pas large et je n'ai, d'ailleurs, nullement essayé de les impressionner par mon savoir-faire et ma culture encyclopédique en leur révélant que j'étais un lointain cousin par dégénérescence successive. Avaient-ils seulement lu Darwin ou même Lamarck ? Ce qui est sûr, c'est que moi, ils m'ont lu sous toutes mes coutures et ont appréciés selon leurs expressions, mes écrits. Tout arrive à celui qui sait s'étendre.

Et puis, sans que rien ne le présage, ils se sont lassés de moi et m'ont laissé là, au milieu de nulle part, loin de toutes civilisations. Heureusement qu'il me restait quelques pièces, qu'ils n'avaient pas voulu me piquer, contrairement à ma montre de collection Bell & Ross qui coûte un bras, par chance, ils n'ont pris que la montre. C'est ainsi que j'ai pu appeler à la cabine sous le grand Rocky Baobab, le responsable, guide improvisé, gourou du voyage pour qu'il veuille venir me cueillir en me recueillant parmi les « nous ».

Voici donc, mon récit tragique, mais sincèrement relaté, sans pudeur déplacée ou mal placée, mais ça fait quand même mal au cul ! Car depuis la quinzaine que je suis rentré en France dans mon homme sweet homme, rien ! Pas une lettre, pas un coup de phone, rien, vous dis-je !  D'ailleurs, je vous l'avais bien dit, le gorille n'est pas un sentimental, il oublie vite, loin des yeux, loin du cœur.

Un peu comme la femme, chez nous.

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