Mon chat, mon blink et moi #2050

Nicole Bastin

Pfiouzzz, petit voyage dans le temps! Timothée t'écrit depuis le futur.

Vancouver, 3 novembre 2050

La femme de ma fille me tape sérieusement sur les nerfs! Voilà qu'elle prend au sérieux ces histoires de Gaïa,

la soit-disant plate-forme galactique, qui est censée nous emmener dans les étoiles si le grabuge ne s'améliore pas ici.
Il y aurait une liste d'attente apparemment. Elle insiste pour que je m'inscrive ! 
"Au cas où"...


Sans déconner, Wall-E, Battlestar, je regardais ça quand j'étais môme. Je ne pensais pas qu'un jour, on y serait presque pour de vrai.
Tout ça à cause de ces illuminés de spatialistes ! Plus anxiogènes que ces gars là, tu meurs. Ils en viendraient limite à me faire regretter ces enfoirés de capitalistes.


Bon sang ce que ça m'agace le système, n'empêche! Cette obsession de vouloir absolument quitter la Terre. C'est sûr, elle est à moitié moisie, toute démolie, mais je l'aime bien, moi, ma fracking planète. Je n'ai pas spécialement envie d'aller jouer les cosmonautes à l'autre bout de la galaxie!

De toutes les façons, les tenues Michelin, ça ne me va pas au teint.

Et puis avant de penser se tirer, on peut peut-être essayer de la soigner notre planète estropiée. C'est nous qui l'avons cassée, bordel !


Pour en revenir à Bérénice (ma belle-fille), je l'aime bien, franchement, mais elle a quand même souvent tendance à avoir des idées tordues. C'est quand même elle qui m'avait vendu le concept foireux du téléporte-clés.

Ça n'a jamais marché, son truc !
Je me souviens, quand Zoé me l'a présentée. «Attends, Papa, tu vas voir, tu vas l'A-DO-RER. Elle est un peu excentrique mais tu verras, vous avez des TAS de choses en commun ! Déjà, elle est blinkeuse comme toi.»


Haaa putois, je n'ai jamais pû m'y faire à ce mot!

Oui, parce que figure toi qu'on ne blogue plus, on "blinke". "Blink", comme clin d'œil, rapport au fait que tout est si rapide, maintenant!

M'en tape, moi je suis ringard et je l'assume. Je suis «bloggeur» for ever. Ouais, mec! (ça non plus, on dit plus). 


C'est marrant, je ne pensais pas que je serais comme ça. Je pensais que j'arriverais à vivre avec mon temps.

Bon, c'est sûr que la Grande Fracture n'a pas aidé. La moitié des terres polluée ou submergée, les continents disloqués... on a tous du mal à s'en remettre.


Hier, j'ai eu Mael en ConnectU. Je lui ai raconté vite fait les délires de Bérénice, il s'est bien payé ma tête.

"Mais t'es grave ! Tu ne crois quand même pas qu'on va tous s'arracher dans l'espace dans une grosse boîte en métal ? Pour aller où ? Et qu'est-ce qu'on ferait de tous ceux qui ne peuvent pas voyager ? Papa, par exemple ?"

Il a raison, je suis con. C'est bien joli leurs histoires d'extinction, mais qu'est-ce qu'il adviendrait de nos familles ? Nos proches ? Mon chat! 

Je n'y avais même pas pensé, à ces détails à la con!

Tu l'imagines, mon Rocket ? Avec ses faux airs de raton-laveur, il péterait un câble, sur leur plate-forme à la noix. La quarantaine spatiale, très peu pour lui.


Alors, vous savez quoi? Tracez sans moi, les gars. Quittez le navire, bande de rats !

Mon chat, mon blink et moi, on reste là, en mode survie.

Qui sait ? Peut-être que Boyan va finir par le faire marcher son satané système de nettoyage. Pourquoi pas ?


Et toi, mon pauvre ami, t'en penses quoi ? Tu veux bien rester aussi ? Dis ? On se tiendra compagnie.

Môôssieur Tim




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